Bonnes et mauvaises graisses
Quel rapport peut-il bien y avoir entre l'obésité, les
maladies cardiovasculaires, la maladie d'Alzeimer, l'autisme, la maladie
de Crohn, le cancer, le diabète de type 2, certaines affections
neurologiques, certains troubles du rythme cardiaque, les allergies,
les troubles ostéo-articulaires, l'augmentation vertigineuse
de certaines affections dégénératives?
La réponse est dans la nature et la quantité des matières
grasses de notre alimentation. Et à cet égard, les changements
intervenus dans la manière dont les Américains s'alimentent
à présent les ont transformés, malgré eux,
en près de 300 millions de cobayes au cours des cinquante dernières
années. C'est en effet aux Etats-Unis qu'apparaissent et se développent
un certain nombre de maladies qui étaient des curiosités
il y a un siècle, parce que c'est dans ce pays que les changements
intervenus dans l'alimentation traditionnelle ont été
les plus profonds et sont à l'oeuvre depuis le plus longtemps.
Il n'y a pas lieu de revenir sur la façon dont l'industrie des
oléagineux a littéralement "huilé" l'Amérique.
Sous couvert de chasse au cholestérol et aux graisses saturées
d'origine animale, accusées d'être à l'origine de
l'augmentation des troubles cardiovasculaires observés durant
les années 1940, la consommation des denrées d'origine
animale, en particulier de graisses laitières et d'oeufs, a considérablement
diminué. Or ces denrées étaient chez les Américains
d'alors, comme elles le sont encore aujourd'hui pour les Français
qui continuent à apprécier la cuisine de leurs grands-parents,
les principales source d'acides gras poly-insaturés, aussi indispensables
à la vie et à la santé que des vitamines, dont
tout le monde sait que ce sont des molécules dont nos organismes
ne peuvent pas faire la synthèse, nécessaires à
l'accomplissement de nombreuses fonctions dans nos organes. Il nous
faut par conséquent les trouver dans notre alimentation sous
peine de troubles graves et non guérissables en cas de carences.
En plus, essentiels ou pas, certains acides gras entrent dans la constitution
des membranes cellulaires et des organites du corps cellulaire qu'elles
délimitent. Or ces membranes sont responsables de la forme des
cellules de l'organisme, de la perméabilité cellulaire
et des communications intercellulaires. A supposer que l'on puisse éliminer
de notre alimentation tout l'acide gras saturé en C18, l'acide
stéarique solide à la température de notre corps,
accusé d'être l'un des principaux responsables de l'athérosclérose
et du développement des plaques artérielles à l'origine
des accidents cardiovasculaires, constituant de 50% de la double couche
de phospholipides qui forme la membrane de toutes les cellules de notre
corps, cela se traduirait par la perte de la rigidité de ces
membranes et la forme de nos cellules se modifierait. On peut d'ailleurs
s'interroger à propos de l'apparence physique des mastodontes
féminines qui déambulent leurs plus de 300 livres dans
les couloirs des aéroports américains : sous leurs vêtement
flottants, leur masses adipeuses flottent manifestement au gré
de leurs mouvements, comme si elles dissimulaient de l'huile sous leur
peau.
Ce changement d'habitudes alimentaires est d'autant plus grave que
les conditions de production traditionnelle des aliments d'origine animale
ont été profondément modifiées, on pourrait
presqu'écrire altérées, par l'intensification des
techniques d'élevage, et que cela se traduit par des modifications
importantes du profil des acides gras contenus autrefois dans les graisses
du lait, des oeufs, de la viande des animaux envoyés à
l'abattoir, et par conséquent sur la nature et la quantité
des acides gras qu'elles contiennent.
Les omega-3 sont des acides gras indispensables. On ne trouve les plus
intéressant d'entre eux, l'EPA (acide docosapentaénoïque)
et le DHA (acide docosahéxaénoïque) que dans les
algues, les huiles de poisson (des mers froides surtout) et dans les
produits animaux. Chez l'homme adulte, l'organisme les fabrique à
partir d'un autre acide gras indispensable, l'acide alpha-linolénïque,
grâce à un équipement enzymatique complexe composé
de d'élongases et de désaturases. Or cet équipement
enzymatique ne suffit pas à fournir à l'organisme tout
l'EPA et le DHA dont il a besoin en certaines circonstances : durant
l'enfance et la puberté où la croissance provoque des
besoins accrus, lors du vieillissement quand la synthèse est
insuffisante, pendant la gestation et l'allaitement pour fabriquer le
lait de la femme, qui en est particulièrement riche.
Au cours des récentes années, l'intérêt
des scientifiques pour les acides gras oméga-3 a donné
lieu à de nombreuses publications. Et le public a été
sensibilisé à l'importance de l'apport dans l'alimentation
des huiles de poisson gras, qui contiennent des pourcentages élevés
de DHA et d'EPA susceptibles de corriger les carences et les déséquilibres
entraînés par les modifications inervenues dans notre alimentation
contemporaine, en particulier pour la prévention des maladies
cardio-vasculaires et des accidents cardiaques ou cérébraux
La distribution d'huile de poisson en quantité suffisante pour
aporter 2 à 4 grammes par jour d'EPA et de DHA (dans un rapport
2/1) peut diminuer favorablement les risques d'accidents cardiovasculaires,
indépendamment de toute modification de la teneur en cholestérol
du sang. Les effets contatés incluent une diminution des triglycérides
du sang, un effet anti-thrombose, une diminution de la viscosité
du sang et du plasma et une amélioration de l'endothélium
des artères. Ces acides gras s'accumulent dans les plaquettes
sanguines; ils en diminuent l'adhésivité et empêchent
leur aggrégation. Dans le tissu cardiaque, l'accumulation de
ces deux acides gras a des effets anti-arythmiques, ce qui explique
la diminution d'accidents cardiaques en prévention chez les personnes
ayant subi un infarctus.
Aujourd'hui, les Américains ingèrent beaucoup trop d'acides
gras poly-insaturés d'un autre type, appelés oméga-6,
au travers de la présence d'huiles végétales, partiellement
hydrogénées ou pas, dans la plupart des denrées
précuisinées. La ration de nos ancêtres dont le
régime était à base de viande de boeuf, de lait
entier cru, de beurre et de fromages présentait un rapport omega6/oméga3
de 1/1, en raison du fait que leurs animaux étaient élevés,
nourris et engraissés au pâturage. A l'heure présente
une ration typique peu riche en matières grasses, à base
de denrées "low fat, low cholesterol", a élevé
le rapport omega-6/omega-3 à une valeur comprise entre 20 et
50!
Sans revenir sur le fait que l'hydrogénation catalytique des
huiles saturées provoque la formation d'acides gras "trans".
Ces huiles ainsi solidifiées (magarines, shortenings) ont remplacé
le beurre et les produits laitiers ainsi que le suif dans la préparation
des aliments. Les acides gras trans se sont depuis révélés
être la cause probablement la plus importante des accidents cardiovasculaires.
Après avoir défendu la non-dangerosité des acides
gras "trans" résultant de l'hydrogénation des
huiles poly-insaturées, en accordant le statut GRAS (Generally
Recognised As Safe) à l'huile de soja "partiellement hydrogénée"
par exemple, après avoir tenté de minimiser les quantités
d'acides gras trans qu'étaient susceptibles d'avaler les Américains
sans danger pour leur santé, voila que la FDA se décide
enfin à modifier l'étiquetage des denrées contenant
ces acides gras trans en obligeant les fabriquants à en indiquer
le pourcentage sur les étiquettes. Une belle façon pour
cette organisation toute puissante sur la sécurité alimentaire
aux Etats-Unis d'avaler son chapeau...