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N°34 / JUIN 2003

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Il faut créer un organisme de contrôle de la publicité argumentée sur la santé

Au vu de ce qui s'est passé aux Etats-Unis sur la manière dont l'industrie des oléagineux a "littéralement" huilé les Américains, en diabolisant les matières grasses d'origine animale accusées d'être la source alimentaire de cholestérol responsable du développement des maladies cardio-vasculaires, avec les conséquences catastrophiques que l'on connaît sur leur état de santé (surpoids, obésité, diabète gras, cancer et autres affections dégénératives), ainsi que sur l'inflation galopante des sommes consacrées au traitement et à la prévention de ces maladies, il est urgent d'informer le public de la réalité des risques qu'il court à se fier aux conseils donnés à l'écran ou dans les magazines en faveur de l'utilisation d'un produit alimentaire sur leur état de santé et sur ceux qu'il ne court pas à continuer à se nourrir selon des pratiques traditionnelles.

Dans la lutte qui a été engagée outre-Atlantique pour lutter contre ces "maladies de la civilisation", on a ignoré complètement certaines substances, qui sont à la base même de toutes les interactions biochimiques au niveau cellulaire : les acides gras. Dans la phobie d'ingérer un excès de calories dans notre siècle d'abondance alimentaire, on a fait la chasse aux lipides de l'alimentation en raison du fait qu'ils apportent plus de deux fois plus de calories au gramme que les glucides et les protéines, en oubliant que certains d'entre eux sont les constituants des membranes de toutes les cellules de notre corps et de celles de toutes les structures cellulaires où se déroulent les réactions nécessaires aux processus vitaux. Plus grave, certains acides gras entrent dans la constitution de certaines molécules qui interviennent dans la régulation des réactions intracellulaires, dans les communications intercellulaires. Or ces acides gras essentiels, nos organismes ne savent pas les synthétiser, pas plus que celui des autres animaux terrestres.

Au même titre que les vitamines, les acides gras oméga-3 sont des molécules indispensables à la vie et à la santé, que nous devons trouver dans notre alimentation. Ce n'est d'ailleurs pas une nouveauté en soi, puisque voilà plus de 50 ans, on parlait déjà d'une certaine vitamine F, mélange d'acides gras non saturés, dont les contours et les sources n'étaient pas bien définis, mais dont on connaissait déjà l'intérêt dans la prévention et le traitement de certaines affections cutanées rebelles à tout autre traitement.

Depuis quelques années, un groupe d'acides gras poly-insaturés est devenu la coqueluche des tous les diététiciens américains et, à leur remorque, de tous ceux qui s'occupent chez nous de régimes alimentaires : ce sont les oméga-3, qui regroupent un certain nombre d'acides gras à nombre élevé de carbones (au moins 18), possédant au moins trois doubles liaisons de leur chaîne carbonée, dont une en position 3 par rapport au dernier carbone (carboxyle oméga) de la molécule.

Mais il faut se rendre à une évidence. Ce que l'on a coutume aujourd'hui de désigner sous le vocable oméga-3 s'applique à diverses molécules qui n'ont pas la même efficacité biologique, loin s'en faut. En particulier l'acide linolénique, qu'il soit alpha ou gamma, présente en lui-même un intérêt assez limité, s'il n'est pas transformé par l'organisme de celui qui l'a ingéré en l'un de ses homologues supérieurs, à savoir l'acide arachidonique, et surtout en EPA ( EicosaPentaenoïc Acid) et en DHA (DocosaHexaenoic Acid). Or cette transformation n'est pas efficace chez les jeunes enfants et elle le devient de moins en moins au fur et à mesure que nous prenons de l'âge.

Il y a peu de doute à ce que les oméga-3 ne soient d'une importance capitale en nutrition humaine. Il suffit de rappeler que des tissus comme le cerveau et la rétine contiennent 60% de DHA et que, dans le sperme, le DHA représente 36,4% des acides gras. On peut donc affirmer que les oméga-3 sont des acides gras indispensables nécessaires à la vie, depuis la conception (vitalité des spermatozoides?), durant la grossesse (développement cérébral? autisme?) et l'enfance (enfants hyperagités?), et probablement durant toute notre existence (prévention et traitement des maladies cardio-vasculaires et dégénératives).

On sait à présent que le rapport oméga-6/oméga-3 est d'une importance capitale pour la santé et qu'il a été profondément modifié, dans les sociétés industrielles, à cause de l'augmentation considérable de la consommation des huiles végétales riches en acide linoléique (oméga-6). Mais il faut lever une ambiguïté : ce n'est pas en remplaçant l'huile d'arachide ou de tournesol de votre assaisonnement par l'huile du nouveau colza (canola) que cela améliorera la nutrition de votre cervelle ou de votre fond de l'oeil, même si cela ré-équilibre le rapport oméga-6/oméga-3 de votre régime alimentaire. Ce n'est pas non plus en se mettant à l'huile de bourrache ou au pain à la graine de lin que nous ferons régresser l'infarctus ou les troubles du rythme cardiaque.

Pour la plupart d'entre nous, notre état de santé, notre espérance de longévité active, notre mémoire et notre capacité de raisonnement sont liés à notre bonne nutrition lipidique. Dans notre lutte pour lutter contre les kilos excédentaires et la prévention de certains troubles de nos organisme (taux sanguin de cholestérol un peu élevé, pression sanguine un peu trop forte), nous avons essayé de manipuler la biochimie de l'organisme de l'homme et nous nous trouvons devant une grande ignorance sur notre compréhension du métabolisme des lipides. Pratiquement chaque aspect du métabolisme de l'homme dépend complètement de la nature des graisses qu'il consomme. Pourtant l'opinion courante conduit le consommateur lambda à croire que l'étiologie des maladies catastrophiques de notre temps est en complète relation avec notre consommation de beurre, d'oeufs et de viande.

La science et la médecine commencent enfin à prendre en considération les déséquilibres relatifs à notre alimentation en matière d'acides gras essentiels et la relation avec certains troubles spécifiques de la santé. On est même en mesure à présent de déterminer, par analyse de la composition de la membrane des gobules rouges, quel type d'acide gras est en cause dans un trouble donné.

Mais quand la pub pour les allégés ou les margarines au phytostérol s'en mêle, on mesure le chemin qui reste à parcourir pour le faire comprendre au public.