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N°32 / JUIN 2003

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Manger cru?

Il y a bien des millénaires que l'homme s'est rendu compte que la cuisson de la viande destinée à son repas le protégeait de certaines maladies. Depuis lors, la pratique de la cuisson des aliments s'est étendue à toutes sortes de denrées et la cuisine est devenue un art. De nos jours, de nombreux repas ne contiennent pas du tout d'aliments crus, si ce n'est la populaire salade verte, présentée de plus en plus d'ailleurs sans assaisonnement.

La cuisson des aliments est devenue tellement naturelle à nos yeux que la plupart des gens ne se posent aucune question sur ce que cette pratique courante a de bon ou de mauvais pour leur santé. Ce n'est un secret pour personne que les aliments cuits chez soi et ceux qui sont préparés de façon industrielle perdent une partie de leur valeur nutritionnelle, et le niveau de cette perte est variable selon le mode de préparation.

Pour la plupart d'entre nous, il est acquis que le fait de manger des fruits ou des légumes frais est bon pour la santé. Mais il se développe à l'heure actuelle des courants de pensée qui ont radicalisé cette idée. Ils professent que la cuisson des denrées alimentaires est une habitude dangereuse pour la santé et qu'elle n'est pas nécessaire. A l'inverse, il croient dur comme fer que le régime de l'être humain devrait être exclusivement à base d'aliments crus, végétaux bien entendu... Inutile de préciser que ce courant de pensée a pris naissance en Californie et qu'il est possible de se documenter sur la question en se connectant à divers sites internet qui traitent de la philosophie qui sous-tend ces attitudes.

En dehors des implications et des explications philosophiques, alambiquées bien souvent, de leur conduite, les adeptes du cru avancent un certain nombre d'arguments que nous pouvons naturellement reprendre à notre compte :

Les aliments crus sont plus riches en certains éléments nutritifs. Par conséquent il en faut moins pour satisfaire nos besoins nutritionnels et nous en mangeons donc moins. La cuisson diminue la teneur en vitamines, provoque des altérations des protéines et des graisses qu'ils contiennent, détruit les enzymes qui facilitent leur digestion. Au fur et à mesure que vous augmentez la proportion d'aliments crus de votre régime, vous ressentez plus facilement une senstion de satiéte qui vous incite à ne pas consommer davantage.

Les aliments crus sont plus savoureux que lorsqu'ils sont cuits. Il n'y a donc pas lieu de les assaisonner avec sel, poivre, épices ou autres condiments qui peuvent irriter ou sur-stimuler certains organes de notre corps.

Le temps de préparation des repas est réduit et vous ne risquez pas de brûlures!

Pas ou peu de vaisselle, peu sale au demeurant.

La consommation d'aliments crus est favorable à la santé parce que la transformation des dentrées alimentaires par cuisson domestique ou préparation industrielle génère des quantités importantes de radicaux libres. La consommation d'aliments crus riches au contraire en anti-oxydants peut renverser le cours de nombreuses maladies ou le stopper, y compris les maladies cardio-vasculaires et le cancer.

Tant qu'on s'en tient aux fruits frais, en particulier récoltés à maturité sur la plante ou l'arbre qui les a produits, aux noix et aux graines, aux légumes verts, qui sont au goût de la majorité des gens, on ne peut que souscrire à ces allégations. Mais s'il faut se mettre au jus de chou ou de radis noir extrait par un appareil ad-hoc au petit déjeuner, je doute que l'intérêt soit évident : la nature fait bien les choses et certaines plantes contiennent aussi des facteurs anti-nutritionnels, qui leur servent à se défendre contre les parasites ou les prédateurs, mais qui ne sont pas obligatoirement bons pour notre organisme et qu'une préparation adéquate permet d'éliminer (dans le jus de cuisson par exemple).

En toutes choses, il faut raison garder. Référons-nous aux pratiques culinaires de nos anciens et appliquons-les à la lumière des acquisitions récentes de la science contemporaine de la nutrition, avec l'espoir de vivre le plus longtemps possible, "l'esprit sain dans un corps sain".

Parce que le plaisir que l'on prend à savourer en bonne compagnie une côte de boeuf grillée au barbecue, assez épaisse pour que sa température au coeur du morceau ne dépasse la cinquantaine de dégrés centigrades en fin de cuisson, servie avec de petites pommes de terre nouvelles sautées à l'huile d'olive avec quelques gousses d'ail, saupoudrées dans l'assiette de persil simple frais et de ciboulette, en compagnie d'une béarnaise au beurre cru de baratte, le tout arrosé d'un Saint-Amour ou d'un Reuilly à la température du cellier, cela vaut bien celui que l'on peut ressentir à philosopher sur la pensée holiste dans la science alimentaire, en ingurgitant une pizza crue garnie d'avocats, de morceaux de noix de coco, de germes de soja, de noisettes et de graines diverses, en avalant quelques rasades d'eau minérale. Et c'est sans doute aussi bon pour la santé.

Le tout est de n'en point abuser...