Manger cru?
Il y a bien des millénaires que l'homme s'est rendu compte que
la cuisson de la viande destinée à son repas le protégeait
de certaines maladies. Depuis lors, la pratique de la cuisson des aliments
s'est étendue à toutes sortes de denrées et la
cuisine est devenue un art. De nos jours, de nombreux repas ne contiennent
pas du tout d'aliments crus, si ce n'est la populaire salade verte,
présentée de plus en plus d'ailleurs sans assaisonnement.
La cuisson des aliments est devenue tellement naturelle à nos
yeux que la plupart des gens ne se posent aucune question sur ce que
cette pratique courante a de bon ou de mauvais pour leur santé.
Ce n'est un secret pour personne que les aliments cuits chez soi et
ceux qui sont préparés de façon industrielle perdent
une partie de leur valeur nutritionnelle, et le niveau de cette perte
est variable selon le mode de préparation.
Pour la plupart d'entre nous, il est acquis que le fait de manger des
fruits ou des légumes frais est bon pour la santé. Mais
il se développe à l'heure actuelle des courants de pensée
qui ont radicalisé cette idée. Ils professent que la cuisson
des denrées alimentaires est une habitude dangereuse pour la
santé et qu'elle n'est pas nécessaire. A l'inverse, il
croient dur comme fer que le régime de l'être humain devrait
être exclusivement à base d'aliments crus, végétaux
bien entendu... Inutile de préciser que ce courant de pensée
a pris naissance en Californie et qu'il est possible de se documenter
sur la question en se connectant à divers sites internet qui
traitent de la philosophie qui sous-tend ces attitudes.
En dehors des implications et des explications philosophiques, alambiquées
bien souvent, de leur conduite, les adeptes du cru avancent un certain
nombre d'arguments que nous pouvons naturellement reprendre à
notre compte :
Les aliments crus sont plus riches en certains éléments
nutritifs. Par conséquent il en faut moins pour satisfaire
nos besoins nutritionnels et nous en mangeons donc moins. La cuisson
diminue la teneur en vitamines, provoque des altérations des
protéines et des graisses qu'ils contiennent, détruit
les enzymes qui facilitent leur digestion. Au fur et à mesure
que vous augmentez la proportion d'aliments crus de votre régime,
vous ressentez plus facilement une senstion de satiéte qui
vous incite à ne pas consommer davantage.
Les aliments crus sont plus savoureux que lorsqu'ils sont cuits.
Il n'y a donc pas lieu de les assaisonner avec sel, poivre, épices
ou autres condiments qui peuvent irriter ou sur-stimuler certains
organes de notre corps.
Le temps de préparation des repas est réduit et vous
ne risquez pas de brûlures!
Pas ou peu de vaisselle, peu sale au demeurant.
La consommation d'aliments crus est favorable à la santé
parce que la transformation des dentrées alimentaires par cuisson
domestique ou préparation industrielle génère
des quantités importantes de radicaux libres. La consommation
d'aliments crus riches au contraire en anti-oxydants peut renverser
le cours de nombreuses maladies ou le stopper, y compris les maladies
cardio-vasculaires et le cancer.
Tant qu'on s'en tient aux fruits frais, en particulier récoltés
à maturité sur la plante ou l'arbre qui les a produits,
aux noix et aux graines, aux légumes verts, qui sont au goût
de la majorité des gens, on ne peut que souscrire à ces
allégations. Mais s'il faut se mettre au jus de chou ou de radis
noir extrait par un appareil ad-hoc au petit déjeuner, je doute
que l'intérêt soit évident : la nature fait bien
les choses et certaines plantes contiennent aussi des facteurs anti-nutritionnels,
qui leur servent à se défendre contre les parasites ou
les prédateurs, mais qui ne sont pas obligatoirement bons pour
notre organisme et qu'une préparation adéquate permet
d'éliminer (dans le jus de cuisson par exemple).
En toutes choses, il faut raison garder. Référons-nous
aux pratiques culinaires de nos anciens et appliquons-les à la
lumière des acquisitions récentes de la science contemporaine
de la nutrition, avec l'espoir de vivre le plus longtemps possible,
"l'esprit sain dans un corps sain".
Parce que le plaisir que l'on prend à savourer en bonne compagnie
une côte de boeuf grillée au barbecue, assez épaisse
pour que sa température au coeur du morceau ne dépasse
la cinquantaine de dégrés centigrades en fin de cuisson,
servie avec de petites pommes de terre nouvelles sautées à
l'huile d'olive avec quelques gousses d'ail, saupoudrées dans
l'assiette de persil simple frais et de ciboulette, en compagnie d'une
béarnaise au beurre cru de baratte, le tout arrosé d'un
Saint-Amour ou d'un Reuilly à la température du cellier,
cela vaut bien celui que l'on peut ressentir à philosopher sur
la pensée holiste dans la science alimentaire, en ingurgitant
une pizza crue garnie d'avocats, de morceaux de noix de coco, de germes
de soja, de noisettes et de graines diverses, en avalant quelques rasades
d'eau minérale. Et c'est sans doute aussi bon pour la santé.
Le tout est de n'en point abuser...