La Boulimie des Allégés
Serions-nous en passe d'imiter les pratiques
alimentaires de l'Oncle Sam? Il n'est plus possible à présent,
même en zappant intelligemment, de passer au travers du spot publicitaire
mettant en vedette tel critique de la nouvelle malbouffe engloutissant
goulument un yaourt 0% ou quelque mini-star ligne haricot faire l'apologie
de quelque plat cuisiné "dégraissé".
On devrait pourtant voir ce que la mise sur le marché de plus
5.000 spécialités alimentaires sans graisses ou à
basse teneur en matières grasses dans les épiceries des
Etats-Unis a eu pour effet. 60% de la population est en surpoids, 30
% des femmes sont obèses, et pour certaines, l'obésité
mérite le détour, et 6 % des Américains sont atteints
de diabète gras.
Au cours des 15 dernières années,
la politique officielle du gouvernement américain, au travers
de certaines de ses agences, en particulier l'American Heart Association
(AHA) a été de porter aux nues la consommation des hydrates
de carbone. A tout bout de champ là-bas, on dit aux gens que
les céréales sont les bons élèves de l'alimentation
et que s'il l'on en mangeait beaucoup plus, le monde irait beaucoup
mieux, sans troubles cardio-vasculaires, ni obésité. Si
bien que les Américains se sont mis à ingurgiter biscuits,
brioches, céréales et pâtes comme s'il n'y avait
d'autre voie de salut, pour éliminer de leur alimentation les
graisses saturées chargées de tous les péchés
du monde et pour arriver à avaler jusqu'à 85 % de leurs
calories alimentaires sous forme d'amidon et de sucres, ce que préconisent
les extrémistes des régimes hydro-carbonés! Mais
chacun sait que l'AHA est sous l'nfluence des lobbyes agro-alimentaires.
Or les régimes basses-calories riches
en céréales sont la garantie que tout essai d'y perdre
du poids est voué à l'échec. Après quelques
succès au début, on atteint vite un plateau et on ne perd
plus un gramme de son poids. Les personnes qui s'y sont soumises se
fatiguent vite d'avoir faim en permanence et se sentent frustrées.
Elles font des entorses de plus en plus fréquentes à leur
régime et le laissent bientôt tomber, regagnant les kilos
de leur poids initial plus vite qu'elles ne les avaient perdus. Et quelques
kilos supplémentaires. Elles se mettent à déprimer,
mettant leur échec sur leur manque de volonté, de discipline
et de motivation...
Or, ce dont elles manquent, ce n'est ni de volonté,
ni de motivations, mais d'une information objective. Les régimes
basses-calories riches en céréales ou produits dérivés
des céréales provoquent dans l'organime un ensemble de
modifications biochimiques génératrices de problèmes
concernant l'utilisation des graisses mises en réserves à
une époque. Quand il faut maigrir, le problème n'est pas
de chasser les calories à tout prix en supprimant les matières
grasses de son alimentation. On peut mettre en place un régime
pauvre en hydrates de carbone, tout en mangeant suffisamment de lipides
pour être rassasié et continuer à perdre les kilos
superflus.
Les glucides, voila le problème.
L'organisme de l'homme a besoin de réguler
les apports d'énergie par les glucides en maintenant le taux
du sucre sanguin, le glucose, dans des limites strictes, entre 0,8 et
1,2 grammes par litre. Pendant la digestion d'un repas riche en hydrates
de carbone, le taux de glucose du sang augmente et peut dépasser
rapidement la limite supérieure de 1,2 gramme/litre. La sécrétion
d'insuline par le pancréas va permettre de retirer de la circulation
l'excès de glucose pour le stocker, soit sous forme de glycogène
dans le foie et les muscles, soit sous forme de graisse dans des cellules
spécialisées du tissu adipeux, les adipocytes.
Dès que ce taux sanguin de glucose baisse
au dessous d'un certain seuil (0,8 gramme par litre de sang), l'organisme
fait appel à ses réserves de glycogène de son foie
et de ses muscles. Mais la capacité de l'organisme à faire
des réserves de glucose sous forme de glycogène est limitée
: 80 à 100 grammes dans le foie, 200 à 300 grammes dans
les muscles rouges. C'est la raison pour laquelle les réserves
de glycogène sont vite épuisées et explique pourquoi
nous avons besoin de nous alimenter en hydrates de carbone régulièrement,
la totalité du glycogène hépathique pouvant être
mobilisée en moins de douze heures. Comme le glycogène
stocké dans le muscle est réservé à l'utilisation
pour la contraction musculaire, l'organisme mobilise alors ses réserves
de graisses pour les besoins énergétiques de toutes ses
autres cellules, ce qui va déclencher une sensation de faim destinée
à reconstituer les réserves de glycogène. En effet,
le glycogène hépathique est prioritairement réservé
au fonctionnement de notre cerveau : dès que le taux sanguin
de glucose baisse, les autres cellules doivent alors produire leur énergie
à partir des graisses jusqu'au repas suivant, qui va permettre
le rétablissement d'un taux sanguin de glucose de l'ordre de
un gramme/litre et les réserves de glycogène.
L'apport de glucides dans le repas s'étant
accru au fil des siècles, il s'est traduit par une élévation
chronique du taux de glucose sanguin (plus de 1,2 gramme par litre de
sang), au moins pour les catégories sociales dont les revenus
leur permettaient une nourriture abondante et régulière.
Dans ces situations, l'appel continu aux mécanismes destinés
à maintenir ce taux de glucose au dessous du seuil supérieur,
en particulier la sécrétion d'insuline par le pancréas,
se fait toujours plus pressant, pour faciliter l'utilisation métabolique
par les cellules du sucre excédentaire présent dans le
sang provenant de la digestion des glucides. Sucres lents ou sucres
rapides, quelle que soit la vitesse à laquelle ils sont digérés,
les sucres finissent toujours par arriver dans le sang sous forme de
glucose, et si l'exercice musculaire (ou une situation de stress) n'est
pas au rendez-vous pour les utiliser, l'insuline va être appelée
à la rescousse pour permettre le stockage de l'excédent
par sa transformation en glycogène, forcément limitée
comme il est dit ci-dessus, et surtout en acides gras, que l'organisme
va entreposer dans des cellules spécialisées, les adipocytes
du tissu graisseux, en vue de leur utilisation lors de périodes
déficitaires. La contraction musculaire mise en jeu lors de l'exercice
physique est naturellement un élément essentiel de la
régulation des apports énergétiques de l'alimentation,
le combustible privilégié utilisé par les muscles
striés étant le glucose puisé dans le sang.
Cette réserve hépathique de glycogène
indispensable au bon fonctionnement de nos cellules nerveuses correspond
à deux tasses à café de pâtes cuites par
repas principal (2 par jour). Tous les hydrates de carbones complémentaires
consommés, que ce soit sous forme de sucre ou d'amidon de céréales
(ou de pomme de terre ou de fruits), vont donc se transformer en acides
gras et être stockés sous forme de graisses corporelles.
Ne manger que ce dont on a besoin
Le rapport entre les éléments principaux
de ce que l'on mange (acides aminés, glucides et lipides), dont
l'organisme a besoin pour reconstituer ceux qui ont été
utilisés lors de son fonctionnement, est la clé du succès
dans la perte du poids excédentaire, gage de bonne santé.
C'est la raison pour laquelle les allégés
sont la meilleure et la pire des choses : la consommation d'un yaourt
allégé ne va réduire l'ingestion de calories que
si ce n'est pas le prétexte d'en consommer un deuxième!
Plus grave encore, la réduction du taux de matière grasse
d'une denrée naturelle ne se traduit pas seulement par une diminution
de sa valeur calorique. Elle se traduit aussi par l'élimination
de tout ou partie d'éléments indispensables solubles dans
les graisses et véhiculées par elles : vitamines liposolubles,
acides gras essentiels et enzymes ou substances à activité
hormonale pour ne mentionner que ce qui est le mieux à ce jour.
Prenons l'exemple du beurre ou des fromages fabriqués
avec du lait d'animaux nourris à l'herbe au printemps. Ce lait
est non seulement riches en vitamines et provitamines comme le carotène,
mais il contient des CLA, ces acides gras conjugués fabriqués
par un micro-organisme qui ne vit que dans la panse des ruminants et
qui a la faculté de transformer l'acide linolénique présent
en quantité dans l'herbe jeune en des composants dont les cellules
semblent s'accomoder très bien , puisqu'ils les protégent
de... la cancérisation.
Et ces CLA, ce n'est pas dans le lait écrèmé
0 %, le camembert allégé, les margarines "phytostérolées"
ou le yaourt aux fruits des Weight Watchers que vous irez les chercher
! N'en déplaise à Jean-Pierre Coffe...
Nous avons besoin de régimes hypocaloriques
pour maigrir. Nous avons besoin aussi de graisses d'origine animale
et de cholestérol pour vivre en bonne santé et manger
de bon appétit des denrées qui sont capables de permettre
de maigrir sans avoir faim. Nous y reviendrons très prochainement.