HOME     HOME
 
 

N°25 / Mars 2003

<< sommaire

La Boulimie des Allégés

Serions-nous en passe d'imiter les pratiques alimentaires de l'Oncle Sam? Il n'est plus possible à présent, même en zappant intelligemment, de passer au travers du spot publicitaire mettant en vedette tel critique de la nouvelle malbouffe engloutissant goulument un yaourt 0% ou quelque mini-star ligne haricot faire l'apologie de quelque plat cuisiné "dégraissé". On devrait pourtant voir ce que la mise sur le marché de plus 5.000 spécialités alimentaires sans graisses ou à basse teneur en matières grasses dans les épiceries des Etats-Unis a eu pour effet. 60% de la population est en surpoids, 30 % des femmes sont obèses, et pour certaines, l'obésité mérite le détour, et 6 % des Américains sont atteints de diabète gras.

Au cours des 15 dernières années, la politique officielle du gouvernement américain, au travers de certaines de ses agences, en particulier l'American Heart Association (AHA) a été de porter aux nues la consommation des hydrates de carbone. A tout bout de champ là-bas, on dit aux gens que les céréales sont les bons élèves de l'alimentation et que s'il l'on en mangeait beaucoup plus, le monde irait beaucoup mieux, sans troubles cardio-vasculaires, ni obésité. Si bien que les Américains se sont mis à ingurgiter biscuits, brioches, céréales et pâtes comme s'il n'y avait d'autre voie de salut, pour éliminer de leur alimentation les graisses saturées chargées de tous les péchés du monde et pour arriver à avaler jusqu'à 85 % de leurs calories alimentaires sous forme d'amidon et de sucres, ce que préconisent les extrémistes des régimes hydro-carbonés! Mais chacun sait que l'AHA est sous l'nfluence des lobbyes agro-alimentaires.

Or les régimes basses-calories riches en céréales sont la garantie que tout essai d'y perdre du poids est voué à l'échec. Après quelques succès au début, on atteint vite un plateau et on ne perd plus un gramme de son poids. Les personnes qui s'y sont soumises se fatiguent vite d'avoir faim en permanence et se sentent frustrées. Elles font des entorses de plus en plus fréquentes à leur régime et le laissent bientôt tomber, regagnant les kilos de leur poids initial plus vite qu'elles ne les avaient perdus. Et quelques kilos supplémentaires. Elles se mettent à déprimer, mettant leur échec sur leur manque de volonté, de discipline et de motivation...

Or, ce dont elles manquent, ce n'est ni de volonté, ni de motivations, mais d'une information objective. Les régimes basses-calories riches en céréales ou produits dérivés des céréales provoquent dans l'organime un ensemble de modifications biochimiques génératrices de problèmes concernant l'utilisation des graisses mises en réserves à une époque. Quand il faut maigrir, le problème n'est pas de chasser les calories à tout prix en supprimant les matières grasses de son alimentation. On peut mettre en place un régime pauvre en hydrates de carbone, tout en mangeant suffisamment de lipides pour être rassasié et continuer à perdre les kilos superflus.

Les glucides, voila le problème.

L'organisme de l'homme a besoin de réguler les apports d'énergie par les glucides en maintenant le taux du sucre sanguin, le glucose, dans des limites strictes, entre 0,8 et 1,2 grammes par litre. Pendant la digestion d'un repas riche en hydrates de carbone, le taux de glucose du sang augmente et peut dépasser rapidement la limite supérieure de 1,2 gramme/litre. La sécrétion d'insuline par le pancréas va permettre de retirer de la circulation l'excès de glucose pour le stocker, soit sous forme de glycogène dans le foie et les muscles, soit sous forme de graisse dans des cellules spécialisées du tissu adipeux, les adipocytes.

Dès que ce taux sanguin de glucose baisse au dessous d'un certain seuil (0,8 gramme par litre de sang), l'organisme fait appel à ses réserves de glycogène de son foie et de ses muscles. Mais la capacité de l'organisme à faire des réserves de glucose sous forme de glycogène est limitée : 80 à 100 grammes dans le foie, 200 à 300 grammes dans les muscles rouges. C'est la raison pour laquelle les réserves de glycogène sont vite épuisées et explique pourquoi nous avons besoin de nous alimenter en hydrates de carbone régulièrement, la totalité du glycogène hépathique pouvant être mobilisée en moins de douze heures. Comme le glycogène stocké dans le muscle est réservé à l'utilisation pour la contraction musculaire, l'organisme mobilise alors ses réserves de graisses pour les besoins énergétiques de toutes ses autres cellules, ce qui va déclencher une sensation de faim destinée à reconstituer les réserves de glycogène. En effet, le glycogène hépathique est prioritairement réservé au fonctionnement de notre cerveau : dès que le taux sanguin de glucose baisse, les autres cellules doivent alors produire leur énergie à partir des graisses jusqu'au repas suivant, qui va permettre le rétablissement d'un taux sanguin de glucose de l'ordre de un gramme/litre et les réserves de glycogène.

L'apport de glucides dans le repas s'étant accru au fil des siècles, il s'est traduit par une élévation chronique du taux de glucose sanguin (plus de 1,2 gramme par litre de sang), au moins pour les catégories sociales dont les revenus leur permettaient une nourriture abondante et régulière. Dans ces situations, l'appel continu aux mécanismes destinés à maintenir ce taux de glucose au dessous du seuil supérieur, en particulier la sécrétion d'insuline par le pancréas, se fait toujours plus pressant, pour faciliter l'utilisation métabolique par les cellules du sucre excédentaire présent dans le sang provenant de la digestion des glucides. Sucres lents ou sucres rapides, quelle que soit la vitesse à laquelle ils sont digérés, les sucres finissent toujours par arriver dans le sang sous forme de glucose, et si l'exercice musculaire (ou une situation de stress) n'est pas au rendez-vous pour les utiliser, l'insuline va être appelée à la rescousse pour permettre le stockage de l'excédent par sa transformation en glycogène, forcément limitée comme il est dit ci-dessus, et surtout en acides gras, que l'organisme va entreposer dans des cellules spécialisées, les adipocytes du tissu graisseux, en vue de leur utilisation lors de périodes déficitaires. La contraction musculaire mise en jeu lors de l'exercice physique est naturellement un élément essentiel de la régulation des apports énergétiques de l'alimentation, le combustible privilégié utilisé par les muscles striés étant le glucose puisé dans le sang.

Cette réserve hépathique de glycogène indispensable au bon fonctionnement de nos cellules nerveuses correspond à deux tasses à café de pâtes cuites par repas principal (2 par jour). Tous les hydrates de carbones complémentaires consommés, que ce soit sous forme de sucre ou d'amidon de céréales (ou de pomme de terre ou de fruits), vont donc se transformer en acides gras et être stockés sous forme de graisses corporelles.

Ne manger que ce dont on a besoin

Le rapport entre les éléments principaux de ce que l'on mange (acides aminés, glucides et lipides), dont l'organisme a besoin pour reconstituer ceux qui ont été utilisés lors de son fonctionnement, est la clé du succès dans la perte du poids excédentaire, gage de bonne santé.

C'est la raison pour laquelle les allégés sont la meilleure et la pire des choses : la consommation d'un yaourt allégé ne va réduire l'ingestion de calories que si ce n'est pas le prétexte d'en consommer un deuxième! Plus grave encore, la réduction du taux de matière grasse d'une denrée naturelle ne se traduit pas seulement par une diminution de sa valeur calorique. Elle se traduit aussi par l'élimination de tout ou partie d'éléments indispensables solubles dans les graisses et véhiculées par elles : vitamines liposolubles, acides gras essentiels et enzymes ou substances à activité hormonale pour ne mentionner que ce qui est le mieux à ce jour.

Prenons l'exemple du beurre ou des fromages fabriqués avec du lait d'animaux nourris à l'herbe au printemps. Ce lait est non seulement riches en vitamines et provitamines comme le carotène, mais il contient des CLA, ces acides gras conjugués fabriqués par un micro-organisme qui ne vit que dans la panse des ruminants et qui a la faculté de transformer l'acide linolénique présent en quantité dans l'herbe jeune en des composants dont les cellules semblent s'accomoder très bien , puisqu'ils les protégent de... la cancérisation.

Et ces CLA, ce n'est pas dans le lait écrèmé 0 %, le camembert allégé, les margarines "phytostérolées" ou le yaourt aux fruits des Weight Watchers que vous irez les chercher ! N'en déplaise à Jean-Pierre Coffe...

Nous avons besoin de régimes hypocaloriques pour maigrir. Nous avons besoin aussi de graisses d'origine animale et de cholestérol pour vivre en bonne santé et manger de bon appétit des denrées qui sont capables de permettre de maigrir sans avoir faim. Nous y reviendrons très prochainement.