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N°22 / Février 2003

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Traduit du Wall Street Journal (Novembre 2002) par M.LEGOY

Contrairement aux rapports du NCI, les statistiques récentes montrent une augmentation des cas de cancer

Par Sharon Begley

Tout bien considéré, les Etats-Unis ne sont pas en train de gagner la bataille contre le cancer.

Contrairement aux statistiques optimistes antérieures du National Cancer Institute (NCI), montrant que l'incidence de plusieurs cancers dévastateurs s'était stabilisée ou même avait diminué au cours des dernières années, une nouvelle analyse des scientifiques du NCI montre que, pour certains cancers à tout le moins, cette incidence a continué à augmenter. Durant ces dernières années, les messages optimistes du NCI et de l'American Cancer Society avaient proclamé que, après des decennies et des milliards de dollars de dépenses, nous étions en passe de gagner la bataille contre le cancer. Le taux de mortalité avait commencé à baisser à cause des meilleurs traitements mis en place, et même l'incidence de nouveaux cas semblait ne plus augmenter, donnant à penser que moins de gens étaient atteints par la maladie que ce qu'on aurait pu attendre des tendances antérieures. Or une étude récente de Clegg et al montre que, pour plusieurs des cancers les plus courants, les statistiques ne sont pas aussi réjouissantes.

Selon cette étude de Clegg, LX, EJ Feuer, DN Midthune, MP Fay and BF Hankey. 2002. Impact of Reporting Delay and Reporting Error on Cancer Incidence Rates and Trends, parue dans le Journal of the National Cancer Institute 94:1537–45, l'incidence de la mortalité par certains cancers ne baisse pas, mais continue à augmenter au contraire, et la tendance pour certains d'entre eux est alarmante. Il en résulte que même si moins de gens semblent mourir du cancer, de plus en plus de personnes ont leur existence profondément perturbée par le cancer.

"Peut-être avons-nous été un peu trop pressés de faire connaître l'efficacité de nos programme d'intervention et de prévention" déclare Brenda Edwards, qui est co-directrice du programme de surveillance au NCI, à Bethesda, mais qui n'est pas une des auteurs de la nouvelle étude.

Les nouvelles estimations présentent un tableau assez sombre des progrès en matière de prévention. Les cancers du sein chez les femmes de race blanche aux Etats-Unis auraient marqué le pas depuis 1987 selon les statistiques du NCI, chiffres que l'American Cancer Society publie dans le populaire "Faits et chiffres" sur son site Internet.

La nouvelle analyse montre que les cancers du sein ont en réalité augmenté de 0,6% par an depuis 1987. C'est ce qui a poussé les scientifiques de NCI à effectuer cette étude pour expliquer les raisons de l'augmentation récente des cancers du sein.

On pensait aussi que les cancers du poumons avaient aussi atteint un palier. La nouvelle analyse montre au contraire qu'ils ont augmenté de 1,2 % par an depuis 1996. Le taux de mortalité par les mélanomes chez les hommes de race blanche avaient aussi semblé marqué le pas et même diminuer. La nouvelle analyse montre au contraire une augmentation de 4,1% par an depuis 1981, suggérant que l'accent mis sur la prévention en évitant de s'exposer au soleil est un échec. Les cancers de la prostate ches les sujets de race blanche ont augmenté de 2,2% par an depuis 1995 contrairement aux statistiques publiées. L'étude montre que ces statistiques ont sous-estimé en 1998 l'augmentation de l'incidence des cancers de la prostate de 12% chez les blancs et de 14% chez les noirs.

Les cancers du colon et du rectum chez les deux sexes et toutes races confondues sont en réalité de 3% en plus que ce qui a été rapporté antérieurement, donnant à penser que les techniques précoces de détection basées sur la détection par colonoscopie des polypes précancéreux ne sont pas aussi efficaces ni aussi utilisées qu'on pourrait l'espérer. Le taux de cancer du colon chez les femmes de race blanche par exemple a augmenté aux Etats-Unis de 2,8% par an au lieu des 0,9% par an calculés antérieurement.

Les données nationales sur l'incidence du cancer sont basées sur les chiffres des 10 registres du progamme SEER (Surveillance, Epidémiology and End Results) mis en place par le NCI, qui ont trait à 14% de la population totale du pays en collectant les données sur le cancer auprès des hôpitaux, des médecins et des cliniques. Les registres ont 19 mois de délai pour faire parvenir leurs chiffres au NCI.

Les scientifiques suspectaient depuis longtemps que les chiffres étaient biaisés. "On sait bien que les déclarations de nouveaux cas de cancer arrivent petit à petit au fil des années, bien longtemps après le délai fixé" déclare Benjamin Hankey, un des auteurs de l'étude. C'est la raison pour laquelle les auteurs se sont interrogés pourquoi et comment ces déclarations tardives avaient pu affecter l'incidence réelle sur les statistiques concernant une année donnée.

En utilisant les données de 1981 à 1998, l'équipe de Benjamin Hankey ont étudié les retards de déclarations en faisant le compte du nombre d'additions au fil des ans faites sur 9 des registres par rapport aux chiffres originaux. En se basant sur cela, tout en prenant en compte l'amélioration de l'opportunité et de la vérité des déclarations, le statisticien du NCI Limin Clegg a pu estimer les sous-déclarations de chaque registre pour 5 types de cancers. Les retards sont tels qu'ils ne rendent compte que de 88% à 97% des cancers réellement survenus selon le type de cancers. "Cela donne une fausse impression de la récente diminution de l'incidence du cancer" écrivent les scientifiques du NCI.

Les chiffres du NCI sont à la source des décisions faites à la fois par les politiques et les cliniciens. Ces chiffres sont à l'origine des ressources consacrées à la recherche et aux hôpitaux, de l'information des personnes sur le risque qu'ils ont de développer un cancer donné et de leur offrir des indications pour lutter contre les causes du cancer en rapport avec l'environnement, depuis l'utilisation de crèmes pour la protection contre le rayonnement solaire jusqu'aux modifications du régime alimentaire et la lutte contre l'exposition aux produits chimiques cancérigènes.

A présent, les chercheurs ressentent une nouvelle urgence pour effectuer l'étude des raisons pour lesquelles l'incidence de certains cancers continue à augmenter. "Cela nous indique quelque chose que nous ne savons pas, sur le fait que nos programmes d'intervention et de prévention sont efficaces ou non" selon Ahmedin Jemal, directeur du programme de surveillance de l'American Cancer Society.

Pour écrire à Sharon Begley : sharon.begley@wsj.com8

Commentaires du traducteur

Le problème concerne aussi les Français et il est de la même brûlante actualité. Il montre l'absolue nécessité d'un changement d'orientation des traitements effectués et de la prévention. Peut-être serait-il plus efficace de permettre aux personnes atteintes d'un cancer, après les thérapeutiques "lourdes" chirurgicales, radiothérapiques et chimiothérapiques, d'améliorer leur état et leur espoir de guérison au travers du renforcement de leurs défenses naturelles, qui sont gravement affectées par certaines de ces interventions.

On pourrait probablement vivre en équilibre avec un début ou un "reste de cancer", en faisant mieux appel aux défenses immunitaires naturelles de l'organisme (pour peu qu'on ne les détruise pas par certains traitements intempestifs) et à la nutrition des personnes atteintes ou prédisposées.

Il faut aussi prendre conscience que l'augmentation de la mortalité due au cancer n'est pas seulement en relation avec l'augmentation de notre espérance de vie à un âge donné (on finit bien par mourir d'une cause ou d'une autre), mais à certaines de nos habitudes acquises dans nos façons de vivre et de nous comporter.

Source : Réseau français des registres de cancer

Avec 146.837 décès en 1997, les cancers représentent la deuxième cause de mortalité en France derrière les affections cardio-vasculaires, soit environ 28 % des décès.

Depuis 1989, les cancers sont en France la première cause de mortalité pour les hommes qui meurent 1,6 fois plus de cancer que les femmes. En 1997, ils représentent 88.703 décès (33 % des décès masculins) et se placent avant les maladies cardio-vasculaires. Chez la femme, les cancers sont responsables de 58.134 décès (23 % des décès féminins) et constituent la seconde cause de mortalité après les maladies cardio-vasculaires.

Les décès par cancer survenant avant l'âge de 65 ans représentent 31 % des décès chez l'homme et 25 % des décès chez la femme.

Les cancers représentent en 1997 la première cause de décès prématuré avec 36 % de l'ensemble des décès avant 65 ans chez l'homme et 43 % chez la femme. Cette part a augmenté de près de 2 % entre le début et la fin des années quatre-vingt.

La mortalité par cancer chez les hommes entre 0 et 64 ans a régulièrement augmenté depuis le début des années soixante-dix jusqu'en 1985, date à laquelle la tendance a commencé à s'inverser. Cette évolution a placé la France en tête des pays de l'Union européenne. Par contre, la mortalité pour les femmes a baissé régulièrement, comme la moyenne communautaire et situe la France au quatrième rang des pays de l'Union.

La mortalité par cancer chez l'homme, en augmentation régulière depuis 1950, a augmenté entre 1990 et 1995, de + 3 % pendant que la mortalité prématurée avant 65 ans a diminué de - 9 %. Cette diminution de la mortalité prématurée est essentiellement expliquée par une diminution importante de la mortalité prématurée par cancers des VADS (- 27 %), en relation avec la baisse de la consommation d'alcool, une diminution importante de la mortalité prématurée par cancers de la prostate (- 24 %), puis plus modérée des cancers colorectaux (- 5 %), et des cancers du poumon (- 1,4 %).

La diminution de la mortalité par cancer chez la femme qui a connu un ralentissement progressif depuis 1975 (- 8,9 % en 20 ans), connaît entre 1990 et 1995 une augmentation modérée, de l'ordre de + 4 % alors que pendant la même période, on note une diminution de la mortalité prématurée avant 65 ans supérieure à - 3 %. La diminution de la mortalité prématurée est en partie due à une diminution de la mortalité prématurée par cancers colorectaux (- 13 %) et par cancer du col utérin (- 8 %).

Les dernières estimations d'incidence nationale des cancers en France ont été réalisées par le réseau Francim4(*) et la Direction générale de la santé et portant sur la période 1975-1995. Les estimations 2000 sont en cours de production.

En 1995, on estimait à 240.000 le nombre de nouveaux cas de cancers dont 56 % survenant chez la femme.

L'incidence nationale estimée des cancers est en augmentation régulière depuis 1975 aussi bien chez les hommes que chez les femmes, avec une augmentation plus marquée chez les premiers (+ 21 % contre + 17 %).

Chez l'homme, la plus forte augmentation entre 1975 et 1995 concerne le cancer de la prostate (expliquant les ¾ de l'augmentation globale par cancer durant cette période), en lien avec le vieillissement de la population et l'évolution des pratiques de prise en charge. Les cancers colorectaux plutôt stables jusqu'en 1985 ont augmenté de 17 % durant la période étudiée, du fait notamment de l'utilisation accrue de l'hémoccult. Les cancers du poumon ont faiblement augmenté (+ 5 %), en lien avec la diminution du tabagisme. Les cancers des VADS ont diminué de 27 %, en lien avec la diminution de l'alcoolisme en France. Les mélanomes de la peau sont en augmentation.

Chez la femme, les cancers du sein ont augmenté de 60 %, expliquant à eux seuls, 93 % de l'augmentation globale de l'incidence. Cette augmentation est en partie expliquée par le diagnostic plus précoce en relation avec le dépistage. Le cancer du poumon a augmenté de 51 % en lien avec la croissance du tabagisme. La croissance du mélanome, liée aux pratiques d'exposition au soleil (exposition pendant enfance, exposition intermittente et forte au soleil) a doublé entre 1975 et 1985, elle s'est ralentie entre 1985 et 1995.

En 1995, on avait dénombré 142.635 décès par cancer et diagnostiqué en France environ 240.000 cas. Ce chiffre était en nette augmentation puisqu'on estimait qu'en 1975, 171.200 cas étaient diagnostiqués chaque année.

Cette augmentation tient à la fois au vieillissement de la population et à une augmentation réelle de la fréquence.