Pourquoi faut-il améliorer la
qualité nutritionnelle des denrées de l'élevage intensif ?
Ce n'est qu'au début des années 1990 que les consommateurs
ont commencé à mettre en question la qualité de leur alimentation. Jusque
là, les professionnels de l'élevage intensif et ceux de la distribution
s'accordaient pour affirmer haut et fort que le choix des aliments n'avait
jamais été aussi varié, que leur coût n'avait jamais été aussi faible,
que leur aspect n'avait jamais été aussi flatteur et que leur qualité
sanitaire et nutritionnelle n'avait pas été affectée par l'augmentation
formidable de la productivité de notre agriculture.
Tout au plus laissait-on admettre que le goût de
certaines denrées pouvait donner l'impression de s'être quelque peu affadi,
mais que ce n'était là qu'une sotte idée tirée des souvenirs gustatifs
de notre enfance. Bref, que c'était là le prix à payer pour bénéficier
de l'abondance et que toute autre forme de production conduirait inévitablement
à la pénurie, à l'augmentation vertigineuse des prix et au retour dans
nos assiettes de plantes et d'animaux diminués par la maladie et les parasites.
Tout était donc pour le mieux dans le meilleur
des mondes possible. Tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec ce consensus
général étaient catalogués comme des excentriques, des loufoques. Et ce
n'est pas le retour au Larzac de quelques dizaines d'émeutiers de mai
68 qui aurait pu faire basculer l'opinion.
Néanmoins, nous sommes arrivés à une situation
où ni les producteurs, ni les consommateurs ne sont satisfaits de leur
sort. Les agriculteurs et les éleveurs parce que l'augmentation de leur
productivité a nécessité des investissements importants, qui les a fait
sortir de l'autarcie, facteur de stabilité dans leur existence. Les utilisateurs
parce qu'ils mettent sur le dos de la productivité et de la recherche
du profit maximum par les producteurs toutes les conséquences du mal-être
et des stress engendrés par la vie moderne, urbaine en particulier.
L'échec des mesures de prévention mises en place
Outre-Atlantique pour la prévention des accidents cardio-vasculaires au
travers de la "pyramide alimentaire", préconisant une diminution de l'ingestion
des calories d'origine lipidique au dessous de 30% des apports caloriques
totaux et leur remplacement par des glucides, dont l'apport est supérieur
dans ces conditions 50 %, a conduit certains scientifiques à s'interroger
sur l'influence de l'alimentation dans le déterminisme de ces nouvelles
maladies non transmissibles et à en rechercher les raisons.
Ce sont les résultats de ces recherches qui commencent
à être publiés à l'heure actuelle. Ils mettent en évidence que le remplacement
des graisses saturées d'origine animale dans l'alimentation des Américains
s'est traduit par une augmentation considérable de l'apport d'acide linoléique
et que cette augmentation a eu pour conséquence un déséquilibre complet
du rapport entre les acides gras oméga-6/oméga-3 dans la graisse des animaux
produits par les techniques modernes d'élevage. Ce déséquilibre a entraîné
une modification importante du métabolisme des acides gras dits essentiels
dans la constitution des membranes de nos cellules et des structures des
organites qu'elles abritent. Ces membranes régulant la nature des nutriments
qui sont nécessaires au fonctionnement normal de la cellule, si une carence
ou un déséquilibre important dans l'aport alimentaire se produisent, la
perméabilité cellulaire est affectée.
C'est peut être là une des raisons de la cancérisation,
la cellule étant soumise à des agents cancérigènes que la membrane ne
peut plus empêcher d'entrer. C'est aussi l'origine de troubles variés
affectant la santé de la cellule qui ne peut plus remplir certaines de
ses fonctions. C'est probablement une des causes de l'obésité, l'organisme
cherchant vainement à corriger un état de déficience ou de déséquilibre
en augmentant la consommation de ce qu'il a pris l'habitude de consommer
sans trouver la satiété qui apaiserait sa faim.
Une leçon à tirer de ce qui s'est passé aux
USA
Contre toute logique et au mépris des résultats
catastrophiques qu'elle a sur leur santé, une politique destinée à réduire
le cholestérol et la quantité de calories apportées par les graisses "saturées"
dans la ration des Américains s'est traduite par une véritable "mise à
l'huile".
Mésinformés au travers de leurs médias, par la
diffusion de résultats manipulés acquis lors de recherches financées par
les margariniers et les industries pharmaceutiques, nos petits cousins
d'Outre-Atlantique ont abandonné les recettes de leur cuisine traditionnelle,
qui faisait la part belle au beurre, aux petits déjeuners à la fourchette
à base d'oeufs, de bacon et de saucisses, et les steacks juteux de leurs
barbecues accompagnés de "french fries" cuites dans la graisse de boeuf
ou l'huile de noix de coco, ainsi que de salades assaisonnées à la crème
avec des oeufs durs. Ils se sont mis en devoir de consommer des margarines
obtenues à partir d'huiles de coton ou de soja hydrogénées, des biscuits
et des "snacks" aux "shortenings", des huiles poly-insaturées de maïs
et de soja, des amuse-gueules qui encombrent les étagères des super-marchés
et des "soft-drinks" sucrés en diable avec du sirop de maïs. Sans oublier
le passage obligé dans les "fast-foods" où ils ingurgitent à la sauvette
toutes sortes de préparations cuites dans l'huile, parfumées au glutamate
de sodium et arrosées de boissons édulcorées à l'aspartame...
50 ans après le début de la mise à l'huile de l'Oncle
Sam, le résultat sur son état de santé est criant : près de 62 millions
d'Américains ont une forme ou une autre de maladie cardio-vasculaire,
et près d'un million en meurent chaque année. Là-bas, ces maladies restent
de loin la première cause de la mort (958.755 décès en 1999), loin devant
le cancer (549.838), les accidents (97.860), la maladie d'Alzeimer (44.536)
et le SIDA (14.802). Elles représentent plus de 40 % de la mortalité totale,
dont 167.366 décès dus à une attaque cérébrale. Prises à part des autres
affections cardiaques, les attaques cérébrales représentent la troisième
cause de tous les décès.
60 % des Américains sont en surpoids, et un pourcentage
élevé d'entre eux présentent une obésité carrément pathologique, en particulier
les femmes, dont on sait pourtant tout le souci qu'elles prennent à leur
apparence physique. Le mal est si grave outre-atlantique que le gouvernement
vient de permettre aux citoyens de l'Oncle Sam de déduire de leurs revenus
les dépenses engagées pour le traitement de ce fléau.
Le quart de la population américaine de plus de
40 ans est à présent condamnée à vie à prendre un médicament pour abaisser
le taux de cholestérol de son sang. Nombre d'entre eux sont sous-antidépresseurs
et le diabète gras fait florès. 300.000 morts peuvent être rattachées
à l'obésité chaque année, alors que l'inflation des dépenses de santé
est devenue galopante : elles représentent dès à présent plus de 13 %
de la création nationale de richesses (PIB) et devraient passer à plus
de 17 % en 2010, c'est-à-dire demain.
Cela n'empêche qu'un classement récent de l'état
sanitaire dans 175 pays par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
montre que ce n'est pas l'inflation des dépenses médicales qui permette
d'atteindre les meilleurs standarts de santé. L'enquête réalisée a placé
9 nations européennes dans les 10 premiers de la classe, la Belgique étant
n° 1, suivie par l'Islande, les Pays-Bas, la France, l'Autriche, la Suède,
l'Italie et la Norvège. L'Australie est le seul, pays non-européen à se
trouver dans les 10 premiers, ex-aequo avec l'Allemagne et le Danemark.
Les Etats-Unis se classent eux seulement à la 17° place, juste derrière
Israël, alors que la Grande-Bretagne n'est que 23°, après la Grèce.
Pour Hippocrate, l'aliment était le meilleur médicament
de l'homme. 2.500 ans plus tard, et malgré les progrès de la médecine
contemporaine, c'est toujours vrai...
La solution serait-elle de devenir végétarien
?
Avec toutes les informations alarmistes répandues
sur les graisses saturées et le cholestérol au cours des décennies passées,
est apparue l'idée que le fait de devenir végétarien était peut-être une
meilleure alternative pour la santé. Tout se passe aux Etats-Unis comme
si chaque expert en matière de santé et chaque organisation gouvernementale
poussait les gens à consommer moins de produits animaux et à se porter
sur les légumes, les grains, les fruits et les haricots. Avec ces exhortations,
ont fait florès les affirmations et les études supposées prouver que le
végétarisme était une attitude plus saine et que la consommation de viande
provoquait la maladie et la mort. Certaines autorités médicales ont mis
en doute le bien-fondé de ces attitudes, mais leurs objections ont été
totalement passées sous silence.
En fait, la plupart des affirmations sur les bienfaits
du végétarisme ne peuvent pas être prouvées et nombre d'entre elles sont
tout simplement fausses et dangereuses. Il y a sans aucun doute des avantages
à tirer d'un régime végétarien dans certains états de santé, et il y a
probablement des gens dont l'organisme s'accomode avec bonheur de rations
moins riches en protéines et en graisses. Mais les médecins qui ont affaire
aux végétaliens, ces végétariens stricto-sensu qui ont écarté de leur
alimentation oeufs et produits laitiers, connaissent bien les dangers
d'une alimentation composée uniquement de végétaux.
En tant que moyen d'élimination des déchets qui
se sont accumulés dans l'organisme, suite aux réactions nécessaires à
la vie qui s'y produisent en permanence, le végétarisme peut être un bon
choix en tant que mode d'existence. Un certain nombre de problèmes de
santé peuvent être améliorés par une réduction temporaire de l'ingestion
de produits d'origine animale. Mais ces dispositions ne peuvent pas se
maintenir tout au long d'une existence. Il y a un certain nombre de nutriments,
éléments nécessaires à la vie, que l'organisme humain ne sait pas élaborer,
et que les humains doivent par conséquent introduire dans leur organisme.
Certains d'entre eux ne se trouvent que dans des denrées d'origine animale.
Sans parler de variations individuelles pour ce qui concerne cette dépendance,
il est nécessaire de ne pas se faire le zélateur d'attitudes personnelles
qui conviennent à une personne ou à une autre, et pas du tout à une troisième.
Certains se portent très bien à ne pas manger de
viande, en tant que lacto-végétariens ou lacto-ovo-végétariens. La raison
en est que ces régimes sont plus sains pour ces dites personnes, mais
non pas qu'elles sont plus saines en général, pour tout le monde.. Il
reste qu'une totale abstinence de produits d'origine animale dans un régime
alimentaire, que ce soit l'absence totale de viande, de poisson, d'insectes,
d'oeufs, de beurre ou de produits laitiers, doive être écartée. Bien que
cela puisse prendre des années, des problèmes surviendront chez les adeptes
de telles conduites et dans leur descendance. La raison en est simpliste
: l'humanité a évolué en mangeant des denrées d'origine animale et des
graisses comme constituants essentiels de son alimentation. Notre corps
est fait pour les utiliser et il y est habitué. Le voudrait-on qu'on n'y
peut rien changer en quelques années.
Pour ce qui est de la nutrition de l'homme, il
vaudrait mieux s'en tenir à ce qui a été essayé sur des générations et
de générations plutôt que de se précipiter sur des nouveautés qui n'ont
pas été éprouvées. Il y a des centaines de milliers d'années que nos civilisations
évoluent en consommant des produits animaux et des graisses saturées :
ne nous mettons pas en travers du sens de l'histoire.
Les besoins de l'organisme humain en oméga-3 est
de l'ordre de 3 à 5 grammes par jour, l'apport en oméga-6 qui doit en
découler pour rester dans un rapport oméga-6/oméga-3 inférieur à 2, voire
même à trois, ne devrait par conséquent pas dépasser 10 à 15 grammes par
jour. Ils peuvent provenir d'une petite cuillère à soupe d'huile de soja,
de tournesol ou de maïs.
Plus de 50 éléments sont essentiels pour rester
en bonne santé
Cinquante, c'est le nombre d'éléments que l'organisme
de l'homme doit trouver dans son alimentation de tous les jours, ou tout
au moins ceux qu'il doit absorber pendant le temps nécessaire à l'apparition
d'une quelconque carence en l'un ou l'autre de ces éléments, qui ne sont
d'ailleurs pas interchangeables. On voit par exemple ce qui se passe dans
la maladie de la vache folle, quand une carence en cuivre de l'organisme
provoque son remplacement dans la protéine prion normale par du manganèse,
avec pour conséquence la perte de son pouvoir anti-oxydant et les conséquences
qui en résultent.
Or les modifications des habitudes alimentaires,
l'augmentation de la productivité en agriculture et la façon de préparer
les denrées nécessaires à notre alimentation se sont traduits par des
carences d'apport de nombre de ces éléments indispensables. Si un seul
de ces éléments est complètement absent du régime, il en résulte la maladie
et la mort prématurée. Certains groupes humains sur notre planète terre
vivent traditionnellement jusqu'à plus de 100 ans. L'étude de ces sociétés
a montré que ces sociétés agraires trouvent les 50 éléments dans leur
alimentation, en raison des circonstances particulières dans lesquelles
elles vivent. Leur environnement n'est pollué ni par les engtrais chimiques,
ni par les pesticides, et l'air qu'elles respirent et l'eau qu'elles boivent
peuvent être qualifiés de purs. Ils ne connaisent pratiquement ni le cancer,
ni les maladies cardiaques.
Aux Etats-Unis, en 1900, seulement 3,3 % de la
population mourait du cancer. Nous en sommes aujourd'hui à 25 % et les
maladies cardiaques sont responsables de la mort de près de 15% des Américains.
On aurait pu penser que ces chiffres allaient être beaucoup plus faibles
et qu'ils devraient diminuer en raison de l'amélioration de l'hygiène,
de la lutte efficace contre les maladies infectieuses apportée par la
découverte des antibiotiques, des méthodes actuelles de production et
de distribution . C'est le contraire qui s'est produit. De la même façon,
ce n'est pas seulement l'augmentation de la durée moyenne de la vie qui
est responsable du développement des cas de cancers.
L'indispensable amélioration des produits de
l'élevage industriel.
L'essentiel des reproches que l'on a coutume de
faire aux viandes, aux oeufs, aux produits laitiers, aux poissons d'élevage
ont porté surtout sur l'aspect, la tenue de la chair à la cuisson et l'exsudation
d'eau, les qualités organoleptiques de ce qui arrive dans l'assiette du
consommateur. C'est ce dont le client se rend compte, mais ce n'est pas
le plus grave. Après tout, nous sommes fait une raison pour avaler l'huile
de foie de morue dans notre enfance, puisque notre maman nous avait convaincu
que, si ce n'était pour le goût, ce l'était énormément pour notre santé.
Pour ce qui est de la composition en éléments nutritifs
des denrées d'origine animale, le problème de l'élevage intensif se pose
donc, quoique d'une manière tout à fait différente de ce qu'il est en
matière de culture des végétaux, sur des sols appauvris par une intensification
de la production pas toujours bien raisonnée. Les attaques dont elles
sont l'objet ne sont pas souvent justifiées et elles n'ont pour résultat
que de faire peur aux gens, les incitant à ne pas consommer des aliments
dont ils auraient le plus grand besoin pour équilibrer leur alimentation.
On a vu le résultat des campagnes orchestrées contre les graisses animales,
dont la conséquence la plus directe et la plus nette est le développement
des maladies non transmissibles aux Etats-Unis et dans toutes les populations
qui ont copié les manières de manger des Américains.
Pour un élevage raisonné, apportant les nutriments
indispensables dans l'assiette des consommateurs
Il serait vain de barrer d'un trait de plume tous
les progrès qui ont été réalisés dans la production de denrées alimentaires
par l'élevage industriel. Nonobstant les abus dont on peut le tenir pour
responsable, il reste qu'il a permis de nourrir libéralement des populations
de plus en plus nombreuses, avec un main d'oeuvre toujours moins importante.
L'incidence que ces améliorations de la productivité ont eues sur les
prix de revient des denrées d'origine animale a été déterminante pour
leur accessibilité de plus en plus possible à des couches de population
économiquement moins favorisées.
Ceux qui contestent la position jusqu'au-boutiste
de certains écologistes ne rêvant que de "l'agriculture de grand-papa"
n'ont pas tout à fait tort : l'abandon de toutes les avancées qui sont
le lot de l'agriculture contemporaine signifierait le retour de la pénurie,
une hausse importante des prix, la faim et la disette pour les plus démunis.
Les animaux élevés de façon intensive étant nourris
à peu près exclusivement avec des végétaux cultivés intensivement, il
est possible de concevoir que les modifications entrainées dans l'agriculture
et la façon de les produire aient eu une influence sur la qualité nutritionnelle
des denrées proposées au consommateur.
Une meilleure connaissance des besoins nutritifs
des végétaux cultivés grâce à l'amélioration des outils et des techniques
d'analyse, une meilleure appréciation de la nature et de la disponibilité
des éléments fertilisants à restituer aux sols en culture, une évaluation
plus précise des besoins en nutriments et de leur digestibilité par les
animaux d'élevage devraient permettre de concilier un besoin d'intensification
de la production, indispensable pour alimenter tous les êtres humains
de notre planète, avec la nécessité de leur apporter ce dont ils ont besoin
pour être en bonne santé et satisfaits de ce qu'ils peuvent mettre dans
leurs assiettes, tout en ne détériorant pas l'environnement dans lequel
ils vivent. C'est la définition d'une agriculture durable, raisonnée et
raisonnable.
Cela ne va pas de soi et cela impliquera pour tous,
producteurs, transformateurs et consommateurs des choix et des sacrifices,
difficiles quelquefois. Car cela se traduira par une augmentation du prix
des produits agricoles issus de cette agriculture nouvelle, pour permettre
à ceux qui l'exerceront d'en vivre. Si cette augmentation reste raisonnable,
ce qui est parfaitement envisageable, ce nouvel esprit de production sera
bénéfique pour tout le monde.
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