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N°17 / Janvier 2003

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Pourquoi faut-il améliorer la qualité nutritionnelle des denrées de l'élevage intensif ?

Ce n'est qu'au début des années 1990 que les consommateurs ont commencé à mettre en question la qualité de leur alimentation. Jusque là, les professionnels de l'élevage intensif et ceux de la distribution s'accordaient pour affirmer haut et fort que le choix des aliments n'avait jamais été aussi varié, que leur coût n'avait jamais été aussi faible, que leur aspect n'avait jamais été aussi flatteur et que leur qualité sanitaire et nutritionnelle n'avait pas été affectée par l'augmentation formidable de la productivité de notre agriculture.

Tout au plus laissait-on admettre que le goût de certaines denrées pouvait donner l'impression de s'être quelque peu affadi, mais que ce n'était là qu'une sotte idée tirée des souvenirs gustatifs de notre enfance. Bref, que c'était là le prix à payer pour bénéficier de l'abondance et que toute autre forme de production conduirait inévitablement à la pénurie, à l'augmentation vertigineuse des prix et au retour dans nos assiettes de plantes et d'animaux diminués par la maladie et les parasites.

Tout était donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. Tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec ce consensus général étaient catalogués comme des excentriques, des loufoques. Et ce n'est pas le retour au Larzac de quelques dizaines d'émeutiers de mai 68 qui aurait pu faire basculer l'opinion.

Néanmoins, nous sommes arrivés à une situation où ni les producteurs, ni les consommateurs ne sont satisfaits de leur sort. Les agriculteurs et les éleveurs parce que l'augmentation de leur productivité a nécessité des investissements importants, qui les a fait sortir de l'autarcie, facteur de stabilité dans leur existence. Les utilisateurs parce qu'ils mettent sur le dos de la productivité et de la recherche du profit maximum par les producteurs toutes les conséquences du mal-être et des stress engendrés par la vie moderne, urbaine en particulier.

L'échec des mesures de prévention mises en place Outre-Atlantique pour la prévention des accidents cardio-vasculaires au travers de la "pyramide alimentaire", préconisant une diminution de l'ingestion des calories d'origine lipidique au dessous de 30% des apports caloriques totaux et leur remplacement par des glucides, dont l'apport est supérieur dans ces conditions 50 %, a conduit certains scientifiques à s'interroger sur l'influence de l'alimentation dans le déterminisme de ces nouvelles maladies non transmissibles et à en rechercher les raisons.

Ce sont les résultats de ces recherches qui commencent à être publiés à l'heure actuelle. Ils mettent en évidence que le remplacement des graisses saturées d'origine animale dans l'alimentation des Américains s'est traduit par une augmentation considérable de l'apport d'acide linoléique et que cette augmentation a eu pour conséquence un déséquilibre complet du rapport entre les acides gras oméga-6/oméga-3 dans la graisse des animaux produits par les techniques modernes d'élevage. Ce déséquilibre a entraîné une modification importante du métabolisme des acides gras dits essentiels dans la constitution des membranes de nos cellules et des structures des organites qu'elles abritent. Ces membranes régulant la nature des nutriments qui sont nécessaires au fonctionnement normal de la cellule, si une carence ou un déséquilibre important dans l'aport alimentaire se produisent, la perméabilité cellulaire est affectée.

C'est peut être là une des raisons de la cancérisation, la cellule étant soumise à des agents cancérigènes que la membrane ne peut plus empêcher d'entrer. C'est aussi l'origine de troubles variés affectant la santé de la cellule qui ne peut plus remplir certaines de ses fonctions. C'est probablement une des causes de l'obésité, l'organisme cherchant vainement à corriger un état de déficience ou de déséquilibre en augmentant la consommation de ce qu'il a pris l'habitude de consommer sans trouver la satiété qui apaiserait sa faim.

Une leçon à tirer de ce qui s'est passé aux USA

Contre toute logique et au mépris des résultats catastrophiques qu'elle a sur leur santé, une politique destinée à réduire le cholestérol et la quantité de calories apportées par les graisses "saturées" dans la ration des Américains s'est traduite par une véritable "mise à l'huile".

Mésinformés au travers de leurs médias, par la diffusion de résultats manipulés acquis lors de recherches financées par les margariniers et les industries pharmaceutiques, nos petits cousins d'Outre-Atlantique ont abandonné les recettes de leur cuisine traditionnelle, qui faisait la part belle au beurre, aux petits déjeuners à la fourchette à base d'oeufs, de bacon et de saucisses, et les steacks juteux de leurs barbecues accompagnés de "french fries" cuites dans la graisse de boeuf ou l'huile de noix de coco, ainsi que de salades assaisonnées à la crème avec des oeufs durs. Ils se sont mis en devoir de consommer des margarines obtenues à partir d'huiles de coton ou de soja hydrogénées, des biscuits et des "snacks" aux "shortenings", des huiles poly-insaturées de maïs et de soja, des amuse-gueules qui encombrent les étagères des super-marchés et des "soft-drinks" sucrés en diable avec du sirop de maïs. Sans oublier le passage obligé dans les "fast-foods" où ils ingurgitent à la sauvette toutes sortes de préparations cuites dans l'huile, parfumées au glutamate de sodium et arrosées de boissons édulcorées à l'aspartame...

50 ans après le début de la mise à l'huile de l'Oncle Sam, le résultat sur son état de santé est criant : près de 62 millions d'Américains ont une forme ou une autre de maladie cardio-vasculaire, et près d'un million en meurent chaque année. Là-bas, ces maladies restent de loin la première cause de la mort (958.755 décès en 1999), loin devant le cancer (549.838), les accidents (97.860), la maladie d'Alzeimer (44.536) et le SIDA (14.802). Elles représentent plus de 40 % de la mortalité totale, dont 167.366 décès dus à une attaque cérébrale. Prises à part des autres affections cardiaques, les attaques cérébrales représentent la troisième cause de tous les décès.

60 % des Américains sont en surpoids, et un pourcentage élevé d'entre eux présentent une obésité carrément pathologique, en particulier les femmes, dont on sait pourtant tout le souci qu'elles prennent à leur apparence physique. Le mal est si grave outre-atlantique que le gouvernement vient de permettre aux citoyens de l'Oncle Sam de déduire de leurs revenus les dépenses engagées pour le traitement de ce fléau.

Le quart de la population américaine de plus de 40 ans est à présent condamnée à vie à prendre un médicament pour abaisser le taux de cholestérol de son sang. Nombre d'entre eux sont sous-antidépresseurs et le diabète gras fait florès. 300.000 morts peuvent être rattachées à l'obésité chaque année, alors que l'inflation des dépenses de santé est devenue galopante : elles représentent dès à présent plus de 13 % de la création nationale de richesses (PIB) et devraient passer à plus de 17 % en 2010, c'est-à-dire demain.

Cela n'empêche qu'un classement récent de l'état sanitaire dans 175 pays par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) montre que ce n'est pas l'inflation des dépenses médicales qui permette d'atteindre les meilleurs standarts de santé. L'enquête réalisée a placé 9 nations européennes dans les 10 premiers de la classe, la Belgique étant n° 1, suivie par l'Islande, les Pays-Bas, la France, l'Autriche, la Suède, l'Italie et la Norvège. L'Australie est le seul, pays non-européen à se trouver dans les 10 premiers, ex-aequo avec l'Allemagne et le Danemark. Les Etats-Unis se classent eux seulement à la 17° place, juste derrière Israël, alors que la Grande-Bretagne n'est que 23°, après la Grèce.

Pour Hippocrate, l'aliment était le meilleur médicament de l'homme. 2.500 ans plus tard, et malgré les progrès de la médecine contemporaine, c'est toujours vrai...

La solution serait-elle de devenir végétarien ?

Avec toutes les informations alarmistes répandues sur les graisses saturées et le cholestérol au cours des décennies passées, est apparue l'idée que le fait de devenir végétarien était peut-être une meilleure alternative pour la santé. Tout se passe aux Etats-Unis comme si chaque expert en matière de santé et chaque organisation gouvernementale poussait les gens à consommer moins de produits animaux et à se porter sur les légumes, les grains, les fruits et les haricots. Avec ces exhortations, ont fait florès les affirmations et les études supposées prouver que le végétarisme était une attitude plus saine et que la consommation de viande provoquait la maladie et la mort. Certaines autorités médicales ont mis en doute le bien-fondé de ces attitudes, mais leurs objections ont été totalement passées sous silence.

En fait, la plupart des affirmations sur les bienfaits du végétarisme ne peuvent pas être prouvées et nombre d'entre elles sont tout simplement fausses et dangereuses. Il y a sans aucun doute des avantages à tirer d'un régime végétarien dans certains états de santé, et il y a probablement des gens dont l'organisme s'accomode avec bonheur de rations moins riches en protéines et en graisses. Mais les médecins qui ont affaire aux végétaliens, ces végétariens stricto-sensu qui ont écarté de leur alimentation oeufs et produits laitiers, connaissent bien les dangers d'une alimentation composée uniquement de végétaux.

En tant que moyen d'élimination des déchets qui se sont accumulés dans l'organisme, suite aux réactions nécessaires à la vie qui s'y produisent en permanence, le végétarisme peut être un bon choix en tant que mode d'existence. Un certain nombre de problèmes de santé peuvent être améliorés par une réduction temporaire de l'ingestion de produits d'origine animale. Mais ces dispositions ne peuvent pas se maintenir tout au long d'une existence. Il y a un certain nombre de nutriments, éléments nécessaires à la vie, que l'organisme humain ne sait pas élaborer, et que les humains doivent par conséquent introduire dans leur organisme. Certains d'entre eux ne se trouvent que dans des denrées d'origine animale. Sans parler de variations individuelles pour ce qui concerne cette dépendance, il est nécessaire de ne pas se faire le zélateur d'attitudes personnelles qui conviennent à une personne ou à une autre, et pas du tout à une troisième.

Certains se portent très bien à ne pas manger de viande, en tant que lacto-végétariens ou lacto-ovo-végétariens. La raison en est que ces régimes sont plus sains pour ces dites personnes, mais non pas qu'elles sont plus saines en général, pour tout le monde.. Il reste qu'une totale abstinence de produits d'origine animale dans un régime alimentaire, que ce soit l'absence totale de viande, de poisson, d'insectes, d'oeufs, de beurre ou de produits laitiers, doive être écartée. Bien que cela puisse prendre des années, des problèmes surviendront chez les adeptes de telles conduites et dans leur descendance. La raison en est simpliste : l'humanité a évolué en mangeant des denrées d'origine animale et des graisses comme constituants essentiels de son alimentation. Notre corps est fait pour les utiliser et il y est habitué. Le voudrait-on qu'on n'y peut rien changer en quelques années.

Pour ce qui est de la nutrition de l'homme, il vaudrait mieux s'en tenir à ce qui a été essayé sur des générations et de générations plutôt que de se précipiter sur des nouveautés qui n'ont pas été éprouvées. Il y a des centaines de milliers d'années que nos civilisations évoluent en consommant des produits animaux et des graisses saturées : ne nous mettons pas en travers du sens de l'histoire.

Les besoins de l'organisme humain en oméga-3 est de l'ordre de 3 à 5 grammes par jour, l'apport en oméga-6 qui doit en découler pour rester dans un rapport oméga-6/oméga-3 inférieur à 2, voire même à trois, ne devrait par conséquent pas dépasser 10 à 15 grammes par jour. Ils peuvent provenir d'une petite cuillère à soupe d'huile de soja, de tournesol ou de maïs.

Plus de 50 éléments sont essentiels pour rester en bonne santé

Cinquante, c'est le nombre d'éléments que l'organisme de l'homme doit trouver dans son alimentation de tous les jours, ou tout au moins ceux qu'il doit absorber pendant le temps nécessaire à l'apparition d'une quelconque carence en l'un ou l'autre de ces éléments, qui ne sont d'ailleurs pas interchangeables. On voit par exemple ce qui se passe dans la maladie de la vache folle, quand une carence en cuivre de l'organisme provoque son remplacement dans la protéine prion normale par du manganèse, avec pour conséquence la perte de son pouvoir anti-oxydant et les conséquences qui en résultent.

Or les modifications des habitudes alimentaires, l'augmentation de la productivité en agriculture et la façon de préparer les denrées nécessaires à notre alimentation se sont traduits par des carences d'apport de nombre de ces éléments indispensables. Si un seul de ces éléments est complètement absent du régime, il en résulte la maladie et la mort prématurée. Certains groupes humains sur notre planète terre vivent traditionnellement jusqu'à plus de 100 ans. L'étude de ces sociétés a montré que ces sociétés agraires trouvent les 50 éléments dans leur alimentation, en raison des circonstances particulières dans lesquelles elles vivent. Leur environnement n'est pollué ni par les engtrais chimiques, ni par les pesticides, et l'air qu'elles respirent et l'eau qu'elles boivent peuvent être qualifiés de purs. Ils ne connaisent pratiquement ni le cancer, ni les maladies cardiaques.

Aux Etats-Unis, en 1900, seulement 3,3 % de la population mourait du cancer. Nous en sommes aujourd'hui à 25 % et les maladies cardiaques sont responsables de la mort de près de 15% des Américains. On aurait pu penser que ces chiffres allaient être beaucoup plus faibles et qu'ils devraient diminuer en raison de l'amélioration de l'hygiène, de la lutte efficace contre les maladies infectieuses apportée par la découverte des antibiotiques, des méthodes actuelles de production et de distribution . C'est le contraire qui s'est produit. De la même façon, ce n'est pas seulement l'augmentation de la durée moyenne de la vie qui est responsable du développement des cas de cancers.

L'indispensable amélioration des produits de l'élevage industriel.

L'essentiel des reproches que l'on a coutume de faire aux viandes, aux oeufs, aux produits laitiers, aux poissons d'élevage ont porté surtout sur l'aspect, la tenue de la chair à la cuisson et l'exsudation d'eau, les qualités organoleptiques de ce qui arrive dans l'assiette du consommateur. C'est ce dont le client se rend compte, mais ce n'est pas le plus grave. Après tout, nous sommes fait une raison pour avaler l'huile de foie de morue dans notre enfance, puisque notre maman nous avait convaincu que, si ce n'était pour le goût, ce l'était énormément pour notre santé.

Pour ce qui est de la composition en éléments nutritifs des denrées d'origine animale, le problème de l'élevage intensif se pose donc, quoique d'une manière tout à fait différente de ce qu'il est en matière de culture des végétaux, sur des sols appauvris par une intensification de la production pas toujours bien raisonnée. Les attaques dont elles sont l'objet ne sont pas souvent justifiées et elles n'ont pour résultat que de faire peur aux gens, les incitant à ne pas consommer des aliments dont ils auraient le plus grand besoin pour équilibrer leur alimentation. On a vu le résultat des campagnes orchestrées contre les graisses animales, dont la conséquence la plus directe et la plus nette est le développement des maladies non transmissibles aux Etats-Unis et dans toutes les populations qui ont copié les manières de manger des Américains.

Pour un élevage raisonné, apportant les nutriments indispensables dans l'assiette des consommateurs

Il serait vain de barrer d'un trait de plume tous les progrès qui ont été réalisés dans la production de denrées alimentaires par l'élevage industriel. Nonobstant les abus dont on peut le tenir pour responsable, il reste qu'il a permis de nourrir libéralement des populations de plus en plus nombreuses, avec un main d'oeuvre toujours moins importante. L'incidence que ces améliorations de la productivité ont eues sur les prix de revient des denrées d'origine animale a été déterminante pour leur accessibilité de plus en plus possible à des couches de population économiquement moins favorisées.

Ceux qui contestent la position jusqu'au-boutiste de certains écologistes ne rêvant que de "l'agriculture de grand-papa" n'ont pas tout à fait tort : l'abandon de toutes les avancées qui sont le lot de l'agriculture contemporaine signifierait le retour de la pénurie, une hausse importante des prix, la faim et la disette pour les plus démunis.

Les animaux élevés de façon intensive étant nourris à peu près exclusivement avec des végétaux cultivés intensivement, il est possible de concevoir que les modifications entrainées dans l'agriculture et la façon de les produire aient eu une influence sur la qualité nutritionnelle des denrées proposées au consommateur.

Une meilleure connaissance des besoins nutritifs des végétaux cultivés grâce à l'amélioration des outils et des techniques d'analyse, une meilleure appréciation de la nature et de la disponibilité des éléments fertilisants à restituer aux sols en culture, une évaluation plus précise des besoins en nutriments et de leur digestibilité par les animaux d'élevage devraient permettre de concilier un besoin d'intensification de la production, indispensable pour alimenter tous les êtres humains de notre planète, avec la nécessité de leur apporter ce dont ils ont besoin pour être en bonne santé et satisfaits de ce qu'ils peuvent mettre dans leurs assiettes, tout en ne détériorant pas l'environnement dans lequel ils vivent. C'est la définition d'une agriculture durable, raisonnée et raisonnable.

Cela ne va pas de soi et cela impliquera pour tous, producteurs, transformateurs et consommateurs des choix et des sacrifices, difficiles quelquefois. Car cela se traduira par une augmentation du prix des produits agricoles issus de cette agriculture nouvelle, pour permettre à ceux qui l'exerceront d'en vivre. Si cette augmentation reste raisonnable, ce qui est parfaitement envisageable, ce nouvel esprit de production sera bénéfique pour tout le monde.