N°12 / Decembre 2002
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Et si c'était la vitamine miracle des années 2000 ?
Le coenzyme Q10
La plupart des lecteurs de notre lettre sur la santé n'a sans doute
jamais entendu entendu parler de cette nouvelle "vitamine". Est-il d'ailleurs
possible de cataloguer cette molécule, dont la découverte par Frederick
Crane remonte à 1957, dans ce groupe de substances indispensables à
la vie que les organismes vivants doivent trouver généralement en petites
proportions dans leur alimentation?
C'est Funck qui, en 1914, rassemblant les données cliniques et expérimentales
de l'époque, a proposé le terme "vitamine", c'est-à-dire amine indispensable
à la vie, pour désigner une substance contenue dans les polissures de
riz, qui guérissait les polynévrites contractées par les populations
se nourrissant exclusivement de riz poli, en raison de la nature aminée
de cette substance.
En réalité, dès 1920, l'individualisation, l'isolement et la détermination
de la structure moléculaire de nombreuses vitamines ont montré que certaines
vitamines hydrosolubles autres que le groupe des vitamines B ne contenaient
aucun groupement aminé dans leur molécule (vitamine C par exemple) et
les vitamines liposolubles non plus. Et d'autre part, on s'est rendu
compte que, dans certaines conditions, certaines substances que l'organisme
était capable de fabriquer donnaient lieu à des signes de carence en
raison d'une augmentation des besoins ou d'un état physiologique particulier
à un moment donné (situation de stress, gestation, vieillissement, etc...).
A la lecture de ce qui paraît dans les revues spécialisées en ce début
de troisième millénaire, et aussi incroyable que cela puisse sembler,
le coenzyme Q10 se présente comme la panacée. Cancer, maladies cardiovasculaires,
SIDA, hypertension, maladies dégénératives du système nerveux, fatigue
chronique, chacune de ces maladies conduisant à la mort à plus ou moins
brève échéance, semblent bénéficier de l'ingestion ou de l'administration
médicamenteuse de coenzyme Q10. C'est un des médicaments les plus prescrits
au Japon dans les troubles cardiaques et c'est une molécule assez utilisée
déjà en Europe.
Il est possible de mieux apprécier l'importance et l'intérêt du coenzyme
Q10, quand on sait que les vitamines agissent en général dans l'organisme
comme coenzymes indispensables à la fonction des enzymes, permettant
ainsi le déroulement des milliers de réactions biochimiques nécessaires
à la vie. Or le coenzyme Q10 est nécessaire à la production de l'adénosine
triphosphate (ATP), dans les mitochondries de la cellule, qui sont comme
des "minicentrales" productices de la source d'énergie nécessaire à
la réalisation de ces réactions biochimiques. Accessoirement, le coenzyme
Q10 est un puissant anto-oxydant.
Les composés vitaminiques sont en général fournis en quantité suffisante
dans notre alimentation. Mais il existe de plus en plus de déficiences
dues aux changements intervenus dans l'évolution de nos habitudes alimentaires,
aux modifications provenant l'intensification de la production sur la
composition des denrées animales ou végétales, à la destruction de certains
d'entre eux par les methodes de préparation ou de conservation. Dans
notre corps, chaque cellule est capable de fabriquer le coenzyme Q10,
selon le même schéma qu'elle est capable de fabriquer du cholestérol,
mais il arrive que ce ne soit pas de façon efficace, ni en quantité
suffisante.
Le coenzyme Q10 et le coeur
Dès le milieu des années 1960, les chercheurs découvrirent que le coenzyme
Q10 (CoQ10) se concentrait dans le muscle cardiaque. Cela est facile
à comprendre, puisque le coeur est l'organe le plus énergétique de notre
corps. Il consomme à lui seul 20% de nos besoins énergétiques journaliers,
battant à raison de 100.000 fois par jour et donc à peu près de 36 millions
de fois par an!
Dès le début des années 1980, Folkers, directeur de l'Institut de Recherche
Biochimique de l'Université du Texas, et feu Per H. Langsjoen, le père
du très célèbre Peter Langsjoen cardiologue à Tyler (Texas), connu pour
ses nombreuses publications sur le Q10, mirent en place la première
étude sur l'utilisation du CoQ10 dans le traitement des myocardiopathies,
formes de maladies cardiaques évolutives. Les résultats se révélèrent
étourdissants : lors d'une étude scrupuleusement contrôlée, 19 malades
dont on attendait l'issue fatale ressuscitèrent littéralement, après
une "amélioration clinique extraordinaire".
Nombre d'autres études ont confirmé le rôle du CoQ10 dans le traitement
des défaillances cardiaques, généralement traitées par les beta-boquant
ou les inhibiteurs de l'ACE, ou les suites de transplantations cardiaques
:
65 cardiologues ayant traité 806 malades victimes de défaillance
cardiaque ou de maladie cardiaque ischémique (IHD) on bénéficié "de
façon significative" de l'administration de CoQ10
2500 malades dans 173 hôpitaux italiens ont reçu journellement 50
à 150 mg deCoQ10 pendant 3 mois : 80% d'entre eux ont présenté une
amélioration de leur état.
Une étude sur 12 mois sur 309 malades supplémentés au CoQ10 comparés
à 312 malades ayant reçu un placebo a montré une diminution des complications
de défaillance cardiaque et des complications nécessitant une hospitalisation
chez ceux ayant reçu le CoQ10.
Coenzyme Q10 et Cancer
En 1993, Folkers (6) a rapporté ses observations sur 10 malades atteints
de déficience cardiaque. L'un d'entre eux, un homme de 48 ans présentant
un cancer inopérable du poumon diagnostiqué en 1977 n'a présenté aucun
signe de trouble cardiaque, ni de cancer après avoir été traité au CoQ10
pendant un an. Un autre patient de 82 ans a été traité pour un cancer
du colon.
Un récent article de Lokwood, cancérologue à Copenhague (7), a décrit
le traitement de 32 malades présentant un cancer du sein à "haut-risque"avec
des antioxydants, des acides gras esssentiels et du CoQ10. "Aucune des
malades n'est décédée et toutes ont ressenti un grand bien-être." écrit-il
dans Biochemicals and Biophysical Reseach Communications. "Ces résultats
cliniques sont remarquables en ce sens que toutes ont survécu, alors
que quatre au moins auraient dû mourrir. Aujourd'hui, après 24 mois
de traitement, elles sont encore toutes en vie, alors qu'il y aurait
dû y avoir 6 décès.
Lockwood, qui a traité quelque 7000 cancers du sein au cours de 35
ans d'exercice professionnel ecrit que, jusqu'à ce qu'il utilise le
CoQ10, il n'avait jamais vu de régression spontanée d'une tumeur d'un
diamètre supérieur à 1,5-2,0 centimètre. Il a constaté que certains
malades, ayant refusé une deuxième opération, guérissaient d'une nouvelle
tumeur du sein après une première opération. Le cas d'une femme de 73
ans guérissant complètement d'une tumeur de plus de 5 centimètres de
diamètre est particulièrement remarquable : jamais Lockwood n'avait
constaté "une régression comparable d'une tumeur avec une thérapie classique
du cancer du sein".
CoQ10 et SIDA
L'utilisation du CoQ10 augmente l'espérance de vie (8).
L'Université du Texas a déposé un brevet pour le traitement du SIDA
avec le CoQ10.
Nutriment ou médicament ?
L'étude de malades du coeur, du cancer ou du Sida indique qu'ils présentent
en général une carence en CoQ10. On peut se demander pourquoi, dans
de telles conditions, le coenzyme Q10 ne soit pas mieux connu et qu'il
ne soit pas utilisé dans toutes ces affections si répandues de nos jours.
"Les 30 années de recherches et de résultats qui viennent de s'écouler
n'ont pas soulevé de controverse importante", selon Peter Langsjoen,
et un nombre important d'Américains sont carencés en certaines vitamines,
coenzymes et oligo-éléments nécessaires à la synthèse du CoQ10, à un
niveau qui puisse leur apporter le bien-être et la santé. Selon lui,
"l'explication réside dans le fait qu'aucune firme pharmaceutique n'est
à l'origine d'une découverte aussi fondamentale et cliniquement aussi
importante".
Les aliments les plus riches en CoQ10 sont le coeur, le foie, les abats,
Mais ce sont des aliments que certaines personnes répugnent à consommer.
Il y en a aussi dans le jaune d'oeuf, les graisses laitières (Le CoQ10,
encore appelé ubiquinone, est un composé liposoluble), le muscle, les
poissons gras, l'huile de foie de morue, l'huile de germe de blé, certains
végétaux.
Synthétisé par l'organisme selon le même schéma que le cholestérol,
la production cellulaire de CoQ10 est réduite par l'utilisation des
statines, ces médicaments destinés à faire baisser le cholestérol sanguin
de ceux qui en ont trop(?). Les statines bloquent l'action d'un enzyme
dans les tout premiers stades de la synthèse du cholestérol et par la
même la synthèse de tous les dérivés physiologiques du cholestérol :
CoQ10, hormones sexuelles, sels biliaires, dont on connaît l'influence
sur notre comportement. C'est aussi la cause de certains effets des
statines (douleurs musculaires en particulier).
Les doses journalières de 10 à 30 mg par jour sont facilement couvertes
par une alimentation équilibrée suffisamment riche en gtraisses d'origine
animale. Pour des utilisations dans les troubles cardio-vasculaires
ou le cancer, des doses de 300 mg par jour sont recommandées. Il faut
donc s'adresser à des produits de synthèse. Ont-ils la même efficacité
que les produits naturels?
Références
1) Folkers and Langsjoen's, 1985, Proceedings of the National Academy
of Sciences of the USA (June 1985;82:4240-4).
2) Folkers, 1993, Biochemical and Biophysical Research Communications
(Jan 15, 1993;182:247-53),
3) Langsjoen, PH, 1988, Klinische Wochenschrift, 1988;66:583-90
4) Clinical Investigator, Aug. 1993;71S:145-9)
5) Clinical Investigator, Aug. 1993;71S:134-6).
6) Folkers, 1993, Biochemical and Biophysical Research Communications
(April 15, 1993;192:241-5),
7) Lockwood, Knud, 1994, Biochemical and Biophysical Research Communications
(March 30, 1994;199:1504-8)
8) Folkers, 1988, Biochemical and Biophysical Research Communications
(June 16, 1988;153:888-96).