n°8 Août 2002
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Manger bio?
La philosophie qui sous-tend la production de végétaux
biologiques pourrait être résumée de la façon
suivante : "des sols arables en bon état produisent des légumes
sains qui permettent à ceux qui les mangent de jouir d'une meilleure
santé physique et morale".
Les avocats de la culture bio mettent en avant que les légumes
et les fruits qui en sont issus ont une valeur nutritionnelle meilleure,
parce qu'ils contiennent des teneurs plus élevées en minéraux,
en vitamines et en acides aminés.
Pourtant cette meilleure qualité est mise en doute par la majorité
de la communauté scientifique, dont le principal argument est que
"les plantes ne font pas de différence entre engrais chimiques
et engrais organiques".
Trop peu de résultats ont été acquis dans la comparaison
de la composition des denrées entre culture traditionnelle et culture
biologique. Dès 1987, Greg et Pat Williams, rédacteurs de
la Hort Ideas Newsletter, dans une revue complète des données
sur cette question, en vinrent à la conclusion que "une fois
de plus, les résultats de l'étude que nous avons faites
confirment ceux que nous avons déjà enregistrés dans
les essais comparant les légumes bio aux légumes produits
de façon conventionnelle, à savoir qu'ils nous ont incités
à argumenter en faveur du bio plus en termes d'approche des conditions
de productions favorables à terme pour des raisons environnementales
que pour des propriétés nutritionnelles miraculeuses que
possèderaient les légumes bio." Tout en ajoutant :
"Mais nous sommes toujours ouverts à toute nouvelle information
sur la question des rapports entre fertilisation et qualités nutritionnelles."
10 ans plus tard, en 1997, ils effectuèrent une nouvelle revue
des résultats dont la conclusion était que la plupart des
études effectuées donnaient à peu près "les
mêmes résultats en ce qui concerne la valeur nutritionnelle
et le type de production".
Un groupe d'experts de l'Institute of Food Technologists en matière
de nutrition et de sécurité des aliments arriva à
la même conclusion dans une étude intitulée "Organically
Grown Foods" (1996) :
"La justification de l'achat de produits bio ne peut pas être
basée sur une quelconque supériorité en matière
de nutrition, de goût ou d'absence de pesticides et de contaminants.
Mais il y a des avantages à la culture bio, tant agronomiques qu'environnementaux.
L'avenir du marketing des produits bio dépend plus de la perception
des consommateurs sur la viabilité du système de production
bio comme une méthode alternative offrant des solutions efficaces
aux effets nocifs de l'agriculture conventionnelle sur l'environnement,
mettant en question son avenir."
David Leonard, agro-nutritioniste dans l'Arizona, pense que les habitudes
alimentaires jouent dans la santé un rôle plus important
que le modèle d'agriculture considéré :
" Je pense que l'agriculture bio peut manquer une occasion historique
d'exercer une influence potentielle considérable sur la santé
et le bien-être durable des Américains, si elle n'élargit
pas sa mission au dela de la défense de l'environnement et la production
d'aliments nutritifs. La relation agriculture - nutrition - bien-être
implique plus que le fait de cultiver le sol, en particulier à
l'heure actuelle où des denrées bonnes pour la nutrition
produites à la ferme ont de moins en moins la chance de se traduire
en une bonne manière de s'alimenter.
"Dans nombre ses préparations, l'industrie agro-alimentaire
ajoute des graisses, hydrogénées la plupart du temps, donc
mauvaises pour la santé, du sucre, du sel, et elle réduit
en général de façon considérable les teneurs
en fibres, en minéraux et en vitamines des produits qu'elle met
en oeuvre, les céréales en particulier. Il est plus difficile
que jamais de choisir les aliments bons pour la santé, en raison
du casse-tête occasionné par le nombre d'articles présentés
dans un super-marché et la prolifération des indications
exprimées sur les produits offerts : "basses-calories",
"peu riche en graisses", "sucré artificiellement",
"supplémenté en vitamines", tous ces poduits que
l'on peut qualifier de "techno-aliments". On peut comprendre
que le public soit circonspect à propos de la nutrition. Nous vivons
dans une société obsédée par la nourriture
et nous consommons en moyenne aujourd'hui plus de 200 calories par jour
que nous n'en consommions en 1978. Ajoutez à cela que la famille
américaine typique dépense à présent 45% de
son budget consacré à l'alimentation au restaurant, en général
dans les fast-foods, alors que ce n'était que 25% dans les années
1950."
La nature de la couche arable sur laquelle on fait pousser les végétaux
a une grande influence sur leur composition, en particulier leur teneur
en minéraux et en oligo-éléments. Une étude
du Docteur Bear et de ses collègues sur la composition en minéraux
des végétaux cultivés dans des régions différentes
a montré que ces teneurs variaient avec le type de sol (selon leur
teneur en argile, leur teneur en matière organique et l' activité
biologique dans le sol) et qu'elles sont dépendantes de leur situation
géographique, des conditions climatiques, des méthodes de
culture (en particulier la gestion de l'humus dans le sol) et des méthodes
de fertilisation.
L'étiquette bio (ou agriculture organique) ne porte pas en elle
même la garantie que le produit considéré est d'une
qualité supérieure. Beaucoup de facteurs ont une influence
sur la qualité nutritionnelle de nos aliments. Celle-ci varie de
ferme en ferme, mais en dehors des conditions de production, de nombreux
facteurs peuvent modifier la valeur qu'elle va avoir pour un individu
donné. La variété mise en terre, la fraîcheur
du produit, sa maturité, au soleil et sur le végétal
même, les conditions dans lesquelles on le stocke, la façon
dont on le cuisine ont probablement autant d'importance que les techniques
culturales utilisées pour le faire pousser.
Il reste que l'étiquette bio existe et qu'elle donne l'assurance
au consommateur que ces denrées sont produites dans des conditions
et des règles écologiques bien définies. Quelqu'ait
été leur modivation au départ, un nombre important
de fermiers et de chercheurs est convaincue de la nécessité
d'approfondir nos connaissances dans la relation entre la santé
des sols et la qualité des aliments qui en sont issus. Cette qualité
des denrées produites par l'agriculture biologique en comparaison
de celle provenant d'une agriculture plus conventionnelle est un sujet
qui suscite de l'intérêt et mérite d'engager la discussion.
Souhaitons que les connaissances dans ces domaines continuent d'évoluer
et conduisent à un large consensus sur des techniques de production
permettant d'obtenir des améliorations souhaitées de la
qualité, en matière par exemple de la nature des acides
aminés composant ses protéines, de l'équilbre entre
les acides gras de ses matières grasses, de sa teneur en vitamines
et en anti-oxydants, de la forme sous laquelle elle apporte les minéraux
et les oligo-éléments, des molécules affectant le
goût et l'odeur, de l'apport de composés phytochimiques favorables
à la santé.
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