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n°5 Juillet 2002
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L'insuline-connexion
Les statistiques du Ministère de l'Agriculture des Etats-Unis
montrent qu'il y a eu un changement radical dans l'alimentation des Amériains
à la fin des années 1970. Il s'est passé qu'ils ont
remplacé une partie des calories provenant des graisses par une
augmentation importante de calories provenant des hydrates de carbone.
La consommation annuelle de céréales s'est accrue de 60
livres (environ 27 kg) et celle de produits édulcorants, essentiellement
du travers du sirop de maïs riche en fructose, de 30 livres (13,5
kg). Il en est résulté une absorption journalière
de 400 calories supplémentaires depuis qu'ont été
préconisés les régimes pauvres en graisses.
La question se pose donc de savoir pourquoi?
Il n'y a pas lieu de chercher midi à 14 heures : c'est parce qu'ils
ont plus faim à présent qu'ils n'avaient dans les années
1970. Et la raison fondamentale n'est pas psychologique, mais physiologique.
Le fait saillant qui a eu lieu et qu'on oublie trop, c'est que, dans la
recherche d'une alimentation moins grasse pour réduire la teneur
en cholestérol du sang, on n'a pas tenu compte de la façon
dont l'insuline régule la teneur en glucose de ce sang. Dès
que, lors de la digestion, les hydrates de carbone sont transformés
en glucose, leur absorption se traduit par une élévation
de la teneur en glucose du sang et provoque la sécrétion
d'insuline par les ilôts du pancréas.
L'organisme de l'homme a besoin de réguler les apports d'énergie
par les glucides en maintenant le taux du sucre sanguin, le glucose, dans
des limites strictes, entre 0,8 et 1,2 grammes par litre. Pendant la digestion
d'un repas riche en hydrates de carbone, le taux de glucose du sang augmente
et peut dépasser rapidement la limite supérieure de 1,2
gramme/litre. La sécrétion d'insuline par le pancréas
va permettre de retirer de la circulation l'excès de glucose pour
le stocker, soit sous forme de glycogène dans le foie et les muscles,
soit sous forme de graisse dans des cellules spécialisées
du tissu adipeux, les adipocytes.
Dès que ce taux sanguin de glucose baisse au dessous d'un certain
seuil (0,8 gramme par litre de sang), l'organisme fait appel à
ses réserves de glycogène de son foie et de ses muscles.
Mais la capacité de l'organisme à faire des réserves
de glucose sous forme de glycogène est limitée : 80 à
100 grammes dans le foie, 200 à 300 grammes dans les muscles rouges.
C'est la raison pour laquelle les réserves de glycogène
sont vite épuisées et explique pourquoi nous avons besoin
de nous alimenter en hydrates de carbone régulièrement,
la totalité du glycogène hépatique pouvant être
mobilisée en moins de douze heures pour faire face aux besoins
en glucose de notre cerveau. Comme le glycogène stocké dans
le muscle est réservé à l'utilisation pour la contraction
musculaire, l'organisme mobilise alors ses réserves de graisses
pour les besoins énergétiques de toutes ses autres cellules,
ce qui va déclencher une sensation de faim destinée à
reconstituer les réserves de glycogène. En effet, le glycogène
hépatique est prioritairement réservé au fonctionnement
du cerveau : dès que le taux sanguin de glucose baisse, les autres
cellules doivent alors produire leur énergie à partir des
graisses jusqu'au repas suivant, qui va permettre le rétablissement
d'un taux sanguin de glucose de l'ordre de un gramme/litre et les réserves
de glycogène.
L'apport de glucides dans le repas s'étant accru au fil des siècles,
il s'est traduit par une élévation chronique du taux de
glucose sanguin (plus de 1,2 gramme par litre de sang), au moins pour
les catégories sociales dont les revenus leur permettaient une
nourriture abondante et régulière. Dans ces situations,
l'appel continu aux mécanismes destinés à maintenir
ce taux de glucose au dessous du seuil supérieur, en particulier
la sécrétion d'insuline par le pancréas, se fait
toujours plus pressante, pour faciliter l'utilisation métabolique
par les cellules du sucre excédentaire provenant de la digestion
des glucides, présent dans le sang .
On a coutume de faire une distinction entre sucres rapides comme le saccharose
et sucres lents comme les amidons. En réalité, les amidons
ne sont que des sucres simples reliés entre eux sous forme de polymères,
molécules complexes dont la digestion est plus lente que celle
du sucre de canne ou de betterave ou que celle des sucres contenus dans
le lait ou les fruits. Sucres lents ou sucres rapides, quelle que soit
la vitesse à laquelle ils sont digérés, les sucres
finissent toujours par arriver dans le sang sous forme de glucose, et
si l'exercice musculaire (ou une situation de stress) n'est pas au rendez-vous
pour les utiliser, l'insuline va être appelée à la
rescousse pour permettre le stockage de l'excédent par sa transformation
en glycogène, forcément limitée comme il est dit
ci-dessus, et surtout en acides gras, que l'organisme va entreposer dans
des cellules spécialisées, les adipocytes du tissu graisseux,
en vue de leur utilisation lors de périodes déficitaires.
La contraction musculaire mise en jeu lors de l'exercice physique est
naturellement un élément essentiel de la régulation
des apports énergétiques de l'alimentation, le combustible
privilégié utilisé par les muscles striés
étant le glucose puisé dans le sang.
La réserve hépathique de glycogène indispensable
au bon fonctionnement de nos cellules nerveuses correspond à deux
tasses à café de pâtes cuites par repas principal
(2 par jour). Tous les hydrates de carbones complémentaires consommés,
que ce soit sous forme de sucres ou d'amidons de céréales
(ou de pomme de terre ou de fruits), vont donc se transformer en acides
gras et être stockés sous forme de graisses corporelles.
En effet, pour fournir au cerveau le glucose indispensable à son
fonctionnement, dès que les réserves de glycogène
baissent, l'organisme éprouve le besoin de les reconstituer et
c'est l'origine en grande partie du besoin de manger. Mais si les diverses
formes de sucres consommés ne sont pas utilisés immédiatement,
l'insuline est appelée à la rescousse, qui va faciliter
la transformation en glycogène pour en reconstituer les réserves;
limitées comme nous l'avons vu. La question est donc de savoir
ce qui se passe lorsque nous absorbons trop d'hydrates de carbone, en
excès de ce que notre organisme est susceptible d'utiliser au fur
et à mesure de son absorption intestinale ou de stocker sous forme
de glycogène.
La seule possibilité pour que le taux de glucose ne s'élève
pas dans le sang au dessus du seuil qui va déclencher son élimination
par le rein provoquant le diabète, c'est que ce glucose en excès
soit transformé en graisse et qu'il soit mis en réserve
dans le tissu adipeux. En un mot, même si les hydrates de carbone
que l'on ingère ne contiennent pas de graisses, leur consommation
en quantité trop importante se traduit par un excès de stockage
de gras, induit lui aussi par l'action de l'insuline, dont le rôle
est d'éliminer le glucose excédentaire présent dans
le sang, quelle que soit la voie utilisée (production de glycogène
ou transformation en graisses). Mais la sécrétion d'insuline
ne se traduit pas seulement par la transformation en graisse du glucose,
elle empêche aussi l'utilisation de la graisse qui est déjà
mise en réserve à des fins énergétiques :
l'excès de consommation d'hydrates de carbone n'aboutit pas seulement
au fait que l'on mette de la graisse en réserve, mais elle empêche
que l'organisme "brûle" cette graisse. Ce qui se traduit
par une sensation de faim, aussi vite que dans les deux heures qui suivent
un repas à base de glucides et explique ce besoin de manger toutes
ces sortes de "snacks" riches en sucres en guise de coupe-faim.
Un vrai cycle infernal !
L'insuline agit en quelque sorte comme un interrupteur : quand elle est
présente, l'organisme utilise le glucose comme source d'énergie,
c'est-à-dire comme carburant, pour toutes ses cellules et stocke
celui qui est en excès sous forme de graisses. Quand elle n'est
plus là, donc quand n'y a plus d'excès de glucose dans le
sang, l'organisme utilise les graisses comme carburant, et en particulier
ses propres graisses. La question qui reste sans réponse est celle
de savoir si la mise en réserve des graisses est due à une
prédisposition d'un individu à sécréter plus
facilement de l'insuline pour mettre le glucose en réserve sous
forme de kilos de graisses excédentaires, lorsque son organisme
en absorbe trop (prédisposition génétique?), ou bien
si le pancréas est contraint d'en produire plus, les cellules devenant
résistantes à l'action de l'insuline, déclenchant
ainsi un cercle vicieux. L'histoire de l'oeuf et de la poule.
L'idée que certains amidons puissent élever plus vite le
taux de glucose du sang que les sucres a conduit au concept de l'index
glycémique. L'index glycémique (IG) permet de classer les
aliments en fonction de la réponse glycémique post-pandiale
(= élévation du taux de glucose sanguin qui suit le repas),
en comparaison avec un aliment de référence qui est le plus
souvent l'amidon du pain blanc ou le glucose. Pour mesurer l'index glycémique,
on fait consommer l'aliment à tester par un groupe de sujets à
jeûn depuis la veille, la portion de l'aliment-test devant contenir
50 g de glucides disponibles. La glycémie des sujets est alors
mesurée régulièrement pendant les 2 heures qui suivent
l'ingestion de l'aliment-test.
Pour un même aliment, les traitements technologiques changent la
valeur de l'IG. Par exemple, l'IG de l'amidon des céréales
est lié à la taille de la particule alimentaire (grain de
céréale moulu) : plus la particule est petite et plus l'IG
augmente. De même, au cours du traitement industriel de l'aliment,
la précuisson, qui entraîne une gélatinisation de
l'amidon, améliore sa digestibilité et, par conséquent,
élève son IG. Enfin, l'IG du même amidon de blé
peut varier avec la variété cultivée, puisque l'amidon
peut être plus ou moins riche en amylose selon les cas.
La connaissance de l'IG des aliments permet d'adapter les choix alimentaires
en fonction des besoins d'un individu, qu'il s'agisse d'une personne ayant
peu d'activité physique, du sportif ou du malade atteint du diabète
gras. Pour les sportifs, on observe une couverture des besoins énergétiques
plus allongée dans le temps, lorsque l'effort sportif suit un repas
à index glycémique bas (comme les pâtes) par rapport
à un repas à index glycémique élevé
(comme les pommes de terre). A l'inverse, ce sont les aliments à
index glycémique élevé qui favorisent la resynthèse
glycogénique après l'effort et la récupération.
Quand on a besoin de suivre un régime pour perdre des kilos, il
faut considérer également que les aliments à IG faible
rassasient mieux que ceux dont l'IG est élevé, soulignant
l'intérêt d'un choix éclairé permettant d'éviter
l'apparition précoce de la faim, notamment chez les sujets obèses.
Les risques d'apparition d'un DNID (diabète non insulinodépendant
= diabète de type 2=diabète gras) sont importants chez les
sujets qui consomment beaucoup d'aliments à index glycémique
élevé, ceux-ci induisant en effet une insulino-résistance
ou une diminution de la sécrétion d'insuline par un pancréas
trop sollicité et prématurément vieilli. Or, contrairement
aux idées communémént admises, les féculents
ou les pâtes n'ont pas nécessairement un IG plus bas que
les aliments sucrés comme les fruits ou les yaourts sucrés,
qui contiennent des sucres simples.
Il ne faut pas oublier enfin qu'au cours d'un repas, les aliments sont
mélangés, ce qui affecte l'IG de la prise alimentaire totale,
puisque les protéines, les lipides et les fibres diminuent l'IG
des aliments mélangés constituant le repas.
Le meilleur conseil que l'on puisse donner à celui qui veut perdre
du poids, c'est de réduire, voire d'éliminer sa consommation
de sucres "raffinés" (sucre, pâtes, riz, pain et
tous produits à base de farine de blé très purifiée),
en limitant leur apport dans la ration à moins de 40% de l'ingestion
de calories, quelquefois même jusqu'à 20 % de l'appport calorique
total. La consommation de fruits et de légumes à leur place
apporte au contraire la cellulose qui aide à diminuer la réaction
sucres = sécrétion d'insuline.
Sans oublier que l'ajoût de graisse à une ration se traduit
par un ralentissement de la digestion et de l'assimilation de tous les
sucres. Mais il faut le faire de façon raisonnable et avec de bonnes
matières grasses. Pourquoi pas en remettant à l'honneur
la cuisine à la crème? De Normandie, bien sûr...
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